Carte blanche à Elisa Moris Vai

 « Récit national », y a-t-il un sujet qui suscite autant de prises de position, de débats et provoque autant de réactions passionnées et d’importance que celui- là aujourd’hui , si l’on fait évidemment abstraction de la crise sanitaire et des élections américaines.
Le sujet est encore plus sensible  quand il est abordé par le biais de l’esclavage qui suscite là aussi tant de débats.
Elisa Moris Vai s’est intéressée avec sérénité et recul aux  héritages de l’esclavage au sein de l’hexagone.  L’artiste, interpellée par des portraits représentant les familles d’armateurs et d’industriels enrichis grâce à la traite et l’esclavage, a donné la parole à de jeunes descendants de personnes esclaves. Contactés grâce à une petite annonce, elle leur a demandé, afin de créer des diptyques, de poser dans le style des tableaux du 18 è siècle, et tels qu’ils sont aujourd’hui, ainsi que de s’exprimer dans des vidéos. L’œuvre interroge la légitimité des richesses déployées sur les peintures du 18è, et nous projette dans la réalité contemporaine des jeunes participants.
Le procédé choisi par l’artiste permet de poser les choses avec une certaine distance, loin de toute émotion et d’instaurer un dialogue sans manichéisme.
Cette vision douce et esthétique a donné envie à l’image par l’image de vous faire partager les images et les tranches de vie qui les accompagnent avec des images, des extraits d’entretiens et des questions à l’artiste sur sa pratique.

Elisa Moris Vai a répondu aux questions de l’image par l’image

Quand (et comment) avez-vous commencé la photographie ?
J’ai commencé la photographie grâce à mon grand-père. La photographie me démangeait depuis quelque temps déjà lorsqu’adolescente, il m’a donné son appareil et s’en est racheté un autre. Mon lycée disposait d’un labo où j’ai fait mes premiers développements et tirages. Car il s’agit d’argentique..

Qu’est ce qui vous anime?
Ce qui m’anime ce sont des problématiques sociétales, une réflexion sur notre société, que j’ai envie de transcrire dans des projets artistiques.  J’ai également une pratique plus quotidienne qui est peut être moins réflexive, mûe par la beauté, les émotions ressenties, tout simplement.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques?
J’ai l’impression que les thèmes viennent à moi, et que je ne les choisis pas vraiment ! Au fil de mes lectures, écoutes, rencontres, des fils rouges surgissent, une idée peu à peu se dessine. Je l’approfondis ensuite par des recherches.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation ?
Une fois mon sujet en place, je commence par une phase approfondie de documentation. Cela passe par la fréquentation des œuvres d’autres artistes sur des sujets similaires, la recherche historique, la lecture.. J’envisage également l’esthétique du projet, je réalise des images tests que j’utilise pour affiner mon propos visuel afin d’arriver à un ensemble cohérent et capable d’interpeller le spectateur.
Dès le début du travail, j’envisage l’œuvre dans l’espace. En fin de processus de création, je choisis le papier sur lequel je vais tirer, en argentique ou en numérique. Pour moi l’œuvre s’envisage jusqu’à l’exposition, à l’édition.

Quelle vision avez-vous des marques aujourd’hui et de leur relation avec la photographie ?
La photographie est plus que jamais au cœur des campagnes des marques, qui ont su intégrer les différentes pratiques contemporaines. J’envisage la collaboration avec les marques comme un challenge passionnant, la chance de relier sa pratique à une ligne artistique forte et à des propositions qui sont l’occasion de se dépasser.

Sur quoi travaillez – vous en ce moment ?
Je travaille à faire connaître mon dernier projet, « Récit National », qui aborde les héritages de l’esclavage au sein de l’hexagone en donnant la parole à de jeunes hommes et femmes descendants de personnes esclaves. Je suis également en phase de recherches pour mon prochain projet.. mais chut !


©Florian du Pasquier

Elisa Moris Vai est une jeune photographe française née en 1988.
Après un Master en Arts du spectacle à l’Université Libre de Bruxelles, elle se perfectionne en photographie. Articulant son travail autour des questions de représentation, d’Histoire et de mémoire, elle fait s’entrecroiser l’individuel au collectif, l’ancien au moderne, pour mieux interroger le regard que l’on pose sur le monde. Sa démarche prend appui sur des recherches approfondies et s’inscrit à la frontière du documentaire et de la fiction.
Son travail s’exprime plastiquement via une grande variété de mediums.

Elle est récompensée pour ce Récit National par le Prix du jury, Photo Oxford Open Call 2020 (jury : Taous R. Dahmani, Dr Lena Frisch, Sian Davey..) –

Elle a participé à plusieurs expositions collectives en Angleterre (Oxford Photo Open Call, Ovada Gallery, Open20 Solo shortlist, Photofringe festival, Brighton, Angleterre, 3/10- 31/10/2020), aux Pays Bas (Futurama, Noorderlicht Festival, Museumpark Landgoed Oranjewoud, Heerenveen)  et en France, sous l’égide du Centre Photographique d’Ile de France,  Les Passerelles, Pontault Combault, France) en 2020

Publications
Atlas des bords, dir. Florent Meng, Centre Photographique d’Île de France, 2020

Extraits des Prises de paroles

Christelle

«Qu’est ce qu’être descendant d’esclave aujourd’hui ? C’est tout d’abord une grande fierté. C’est à travers notre histoire toujours se surpasser et persévérer face aux obstacles ; c’est d’inculquer aux générations à venir des valeurs solides et leur apprendre le vivre ensemble sans distinction de couleur de peau, d’origine ou de religion. C’est avant tout de montrer aux yeux de tous que nous sommes des descendants d’esclaves certes, mais que nous sommes bien plus que ça, nous sommes des êtres humains tous plus talentueux les uns que les autres, et qui souhaitent continuer à vivre dans le respect de chacun, tout en honorant ceux qui se sont battus pour que nous soyons ensemble aujourd’hui». Christelle (portrait de Une)

Jerôme

«L’esclavage trouve sa source dans l’asservissement et l’exploitation d’autrui, afin de satisfaire ses propres intérêts. Ceux qui subissent l’esclavage subissent souvent un déracinement et une perte d’identité (..) Les années ont passé, beaucoup de choses ont changé, mais il est je pense important que les descendants sachent et aient conscience de ce qui s’est passé, non pas pour se venger, mais pour se soigner, et faire en sorte que de tels événements ne se reproduisent pas. L’esclavage s’inscrit dans un engrenage assez vicieux qui vient nourrir le racisme, le fléau des temps modernes. Autrefois on luttait pour l’abolition de l’esclavage ; aujourd’hui, le défi concerne l’égalité au niveau des droits, mais surtout au niveau de la considération. On sent que c’est devenu le nouveau fléau, un véritable problème de société(..) S’exprimer à travers l’art, la musique, la littérature, mais également via le rassemblement et les réseaux sociaux, qui sont aujourd’hui devenus une véritable vitrine pour partager, s’exprimer, s’informer, sont tant d’initiatives qui chaque jour nous permettent d’avancer et de faire évoluer les choses».  Jérôme

 

Léa

« C’est pour moi très important de parler aujourd’hui, de m’affirmer aujourd’hui, d’accepter qui je suis. Je sais que c’est très dur de s’affirmer, de trouver qui on est quand on a plu-sieurs origines. Peut être pendant un temps on va renier une origine, enfin pour ma part ça à été comme ça j’ai renié une origine, et maintenant je suis là et je me dis que non, c’est Moi, c’est mon identité, j’ai deux origines, je dois les accepter, je dois les honorer, comme on peut dire, pour suivre et grandir en toute bonne humeur, toutes bonnes ondes». Léa

 

Lorenza

« Je suis descendante d’esclave. Oui, cette phrase peut surprendre venant d’une personne comme moi, à la peau blanche, aux yeux clairs, et vous devez sûrement vous dire que j’ai eu de la chance sur ce point, car je n’ai jamais été victime de racisme ou d’injustice comme ont pu l’être mes frères à la peau noire.  Mais les cicatrices de ce passé colonial sont tout de même bien ancrées en moi.
Petite, on me disait que je ressemblais beaucoup à une française, et que je ne venais pas de La Réunion.  Aujourd’hui à 20 ans, étudiante en Paris on me dit que je ne suis pas assez blanche pour être vue comme une française… J’ai longtemps essayé de comprendre, de me chercher, de trouver qui j’étais ; et cette identité, c’est à travers mes racines que je l’ai trouvée.
Mes ancêtres m’ont laissé une des choses les plus précieuses à mes yeux, le Maloya. Le Maloya musique des esclaves (…) Mon identité, c’est à travers la langue et à travers cette musique traditionnelle, que j’ai réussi à la trouver.
Et aujourd’hui je reprends avec joie les mots de Danyèl Waro pour vous dire :  « Je ne suis pas blanche, je ne suis pas noire, je suis de la nation des franbatards ». Lorenza

L’image par l’image a découvert le travail de l’artiste lors d’un « Tête à Tête » organisé  par Les Filles de la Photo , premier réseau professionnel féminin  de l’écosystème de la photographie.

 

« Hexagone » d’ Eric Bouvet et Yan Morvan, un dispositif exceptionnel en Gares 25 juin- 15 septembre

Caroline Magnin – agent au bureau des demandeurs d’asile – Bordeaux ®Yan Morvan

Pour la première fois depuis cinquante ans, en raison de l’épidémie mondiale, Les Rencontres d’Arles ont dû renoncer à organiser l’édition 2020 du plus grand festival de photographie.
Face à cette situation inédite, elles ont décidé avec SNCF Gares & Connexions – en charge de la gestion et l’exploitation des 3030 gares françaises – de proposer cet été en gare une exposition inédite, qui prend toute sa dimension à l’heure des problématiques soulevées par la crise sanitaire.

 

 

 

Marie®Eric Bouvet

Jeremy Durier maraicher bio, Saint-Pair-sur-Mer®Yan Morvan

 

 

 

 

 

 

 

L’exposition HEXAGONE devait se tenir dans le cadre de l’édition 2020 des Rencontres d’Arles, annulée en raison de la pandémie. SNCF Gares et Connexions, fort de son expérience et de son savoir- faire, a choisi de concevoir et coproduire des expositions sur mesure et présente le travail de ces deux photographes à Paris Gare de Lyon et à Avignon-TGV du 25 juin au 1er septembre.
Ce projet a pu être réalisé grâce au soutien du Ministère de la culture, BNP Paribas, BMW France et l’Agence nationale de la cohésion des territoires. 

Le projet Hexagone, porté par les photographes Eric Bouvet et Yan Morvan,  explore la vaste question « Qu’est-ce qu’être français ? »

Être Français ? Les deux artistes, Eric Bouvet et Yan Morvan, sont ainsi allés à la rencontre d’hommes et de femmes durant deux ans et leur ont posé la même question, au fil de 60 000 km parcourus sur l’ensemble du territoire métropolitain, de la rupture politique de la campagne présidentielle de 2017 au traumatisme de la pandémie de Covid-19. 

 

Liseby Alphel, femme de ménage, Paris ®Yan-Morvan-

Marc®Eric Bouvet

 

 

 

 

 

 

 

 

Les sujets choisis forment, une fois réunis, une fresque de la France des années 2018-2020. Sont ainsi dépeints les espoirs, les luttes, les grandes mutations mais aussi les enjeux dans une période de changement de paradigme à travers le regard de ces deux grands artistes. Plus de 80 portraits de Français et de Françaises , et leurs paroles sont présentés, issus de leur campagne photographique menée pendant 2 ans sur le territoire. Ils  font état des engagements, des luttes, des espoirs et des grandes mutations à l’œuvre dans la société française.

Juline©Eric Bouvet

Le parti pris d’utiliser une chambre photographique pour ses qualités techniques, la pérennité et le rendu des tirages est essentiel dans cette démarche patrimoniale qui se veut à contrecourant du tout numérique mais également soucieuse de la conservation des images.
60 000 km ont été parcourus dans l’Hexagone par les deux photographes, au cours de 300 jours de prises de vue et de rendez-vous qui se sont déroulés en 24 mois après un an de préparation de l’enquête.
900 plans films 20 x 25 ont été utilisés pour cette mission photographique.

 

Alexis, Paul et Thierry ® Eric Bouvet

« Quel portrait alors se dégage de cette France d’aujourd’hui ? Pour mettre ce thème en images, Éric Bouvet et Yan Morvan n’ont pas choisi au hasard le plus historique et le plus monumental des appareils photographiques : la chambre 20×25. D’une précision infinie dans la retranscription des couleurs et des détails, les négatifs seront encore lisibles dans 100 ans. À l’heure des selfies et des images furtives, il est question ici de prendre son temps, de poser et d’écouter. Ce cahier des charges est important, car il dit tout d’un projet respectueux, ambitieux, qui laisse aux Français le soin de se présenter. De se représenter. Et de prendre la parole aussi, puisque les photographes ont recueilli un bouquet d’engagements, de tourments, de colères, de fiertés. Les visages sont pluriels, les voix sont chorales. Un socle et des fractures se font jour. Du roman national à la fresque multiculturelle. De l’histoire émancipatrice au champ de bataille idéologique.
La France, alors ? Est-ce un territoire, un héritage, une langue, un climat, une fiction ? Pour l’historien Michelet il y a deux siècles déjà, c’était « une âme et une personne ». » commente Natacha Wolinski.

Eric Bouvet et Yan Morvan sont photographes et journalistes. Leur implication dans la documentation des faits politiques, économiques et sociaux depuis les années 80, leur expérience des terrains difficiles, leur notoriété en tant qu’auteurs photographes font d’eux des témoins privilégiés de notre histoire.

 

Après des études dans les arts et industries graphique à l’Ecole Estienne, Eric Bouvet se convertit au photojournalisme et intègre à vingt ans l’agence Gamma. Redevenu indépendant en 1990, il couvre depuis lors les plus grands événements mondiaux et la plupart des conflits qui changent le cours de l’histoire (chute du mur de Berlin, Afghanistan, Tchétchénie, Rwanda, Proche Orient, Somalie, Irak, Libye, Tien An Men…) Connu pour son approche photographique respectueuse et incisive, Eric Bouvet publie ses reportages dans les plus grands magazines internationaux. Au fil des ans, il se tourne vers une photographie plus documentaire, d’inspiration plus contemporaine. Très engagé auprès de la jeune génération, il a à cœur de transmettre et de partager son expérience. De nombreux prix ont récompensé son travail et son engagement, dont deux Visas d’Or, cinq World Press, le Prix du Correspondant de Guerre, le Frontline Club Award…

Après des études de mathématiques et de cinéma, Yan Morvan effectue des reportages sur les Hells Angels et publie en 1974, à vingt ans, sa première photographie dans le quotidien Libération. Son premier livre sur les rockeurs, paru en 1976, préfigure un travail de 20 ans sur les gangs. Il intègre l’équipe de Paris-Match puis du Figaro Magazine jusqu’en 1980. De 1980 à 1988, il couvre les principaux conflits du monde (Liban , Iran-Irak, Rwanda, Kosovo,…) au sein de l’agence Sipa et devient l’un des grands spécialistes de la photo de guerre. Il est couronné par le Prix Robert Capa en 1983 pour son travail au Liban et par deux prix du World Press Photo. Photographe tout terrain, il est toujours là on ne l’attend pas. Il enchaîne les reportages sur des sujets de fond tels que les banlieues, les gangs, les victimes de guerre, les champs de bataille en s’immergeant totalement dans ces différents milieux

 

Le dispositif:
Les gares, espaces publics de médiation culturelle qui accueillent chaque année plus de 100 expositions, deviennent, plus que jamais, l’espace d’expression de toutes les cultures dont sont momentanément privés les citoyens français.
Exposition Paris Gare de Lyon et à Avignon-TGV du 25 juin au 1er septembre.

Le projet Hexagone a reçu le soutien des partenaires suivants : Ministère de la Culture, BNP Paribas, BMW, Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), Fujifilm

Les prises de vue ont été réalisées avec de l’éclairage Profoto,  les Scans par Jean Pascal Laux et les tirages par le  Laboratoire Initial
Paris Gare de Lyon et à Avignon-TGV du 25 juin au 1er septembre. 

www.rencontres-arles.com
www.garesetconnexions.sncf

L’image par l’image et Sabrina Ponti ont accompagné le projet pour la recherche de mécénat 

Carte blanche à Sophie Delaporte

Fragile Landscapes

Nourrie par les surréalistes, Sophie Delaporte aime renverser les codes. Elle joue avec les formes et les couleurs. On la voit photographe de mode mais elle parle de la femme et de sa place dans la société, elle explore les paysages et nos relations fragiles avec l’environnement; la couleur est son langage.
L’historienne de la photographie, Vicki Goldberg, écrit à son propos :  “Sophie Delaporte (..) est toujours en bons termes avec la fantaisie et a une approche joyeusement décalée. Elle a un sens distinctif de la couleur, une imagination de fabuliste, une pointe de surréalisme et un goût pour le récit ambigu”.
L’image par l’image
vous propose après la période pénible que nous venons de passer de nous plonger dans un bain de fraîcheur qui n’en est pas moins profond car il nous fait du bien.

Sophie Delaporte a répondu aux questions de l’image par l’image

Qu’est-ce qui vous anime ?
Enfant, j’ai grandi avec cette magnifique phrase de Malraux dans la tête « l’art est le plus court chemin d’un homme à un homme » qui m’a toujours semblée très inspirante et visionnaire. Plus tard, la lecture de Régis Debray, qui propose de « réhabiliter l’invisible », m’est apparue comme un défi formidable pour un photographe. Cette phrase m’a toujours beaucoup accompagnée. Pour moi, l’image doit être une porte ouverte à l’imagination. J’aime qu’il y ait plusieurs niveaux de lecture, que tout ne soit pas donné.
Mes photographies sont bien souvent pensées comme des « énigmes », des moments suspendus, « hors du temps ».
Comme chez les surréalistes, qui ont beaucoup nourri mon travail, la distance de l’humour, le goût pour l’absurde sont des points importants.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques?
La couleur est tout à fait centrale dans mes photographies. Bien souvent, c’est autour d’elle que l’image se construit.
J’ai toujours cherché, par le traitement de la couleur, à me rapprocher de la peinture.
Par le biais de ces recherches sur la couleur, j’essaie d’aborder parfois des thèmes qui me préoccupent en tant qu’artiste.
Celui de la représentation de la femme, par exemple, dans la série « the clothes she refuses to wear » exposée à New York en 2011, ou des sujets plus environnementaux, comme celui de la pollution aux particules fines ou des colorants dans l’industrie agroalimentaire, lors de l’exposition « True Colors » en 2013.
Les images réalisées à l’occasion du « Grand Prix Photographie & Sustainability » s’inscrivent parfaitement dans cette démarche.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation ?
Bien souvent mes photographies restent la projection mentale d’une idée. A chaque photographie correspond un croquis préparatoire.
J’aime penser le studio comme la scène d’un petit théâtre dans lequel mes modèles s’improvisent à « être » … où les frontières entre le vrai et le faux sont brouillées. Je mets en scène… pour attendre l’imprévu, l’accident.
Une des particularités de mon travail est aussi d’avoir gardé  une approche très « organique » de la photographie, en ne retouchant pas, ou très peu mes images.
Le traitement de la couleur, la mise en scène, tout se fait à la prise de vue. J’aime que mon imaginaire se « cogne » à la réalité.

Fragile Landscapes

 

Vous avez remporté le « Grand Prix Photography & Sustainability »,  en quoi répondre à ce concours vous a t’il intéressé ? 
 Essayer d’aborder certaines problématiques environnementales par l’image était un challenge difficile mais très amusant. Il m’a permis d’inventer de nouvelles formes, en me recentrant sur ce qui a toujours été au cœur de mon travail photographique : la couleur, et la recherche d’une certaine forme d’ « abstraction poétique » .

 Vous effectuez aussi des commandes, quelle est votre relation avec cette pratique ?
La commande est très stimulante, c’est le début d’un dialogue, elle a permis très tôt à mes images de circuler, d’être diffusées et de rencontrer un large public, par le biais des collaborations pour les journaux étrangers par exemple.
Beaucoup de mes photographies, exposées plus tard en galeries, ont été créées à l’origine dans le cadre d’une commande pour un magazine ou d’une collaboration avec une maison. Au fil du temps, j’ai toujours privilégié celles qui me laissaient une très grande liberté, et bien souvent « Carte Blanche ».
Un travail de commande impose aussi des limites qu’il est parfois très stimulant d’un point de vu créatif, d’essayer de repousser.
J’aime l’aborder de manière un peu subversive. Travailler pour la mode ou la beauté par exemple a été pour moi, dès le plus jeune âge, une formidable façon de m’exprimer en tant que femme sur les femmes… renverser les codes, proposer une autre vision.
Il était fascinant de voir à Beaubourg lors de son impressionnante rétrospective, à quel point les commandes publicitaires de Dora Maar ne freinent pas sa créativité. Elles sont même, comme c’est le cas pour Man Ray, à l’origines d’œuvres surréalistes très importantes.
Aujourd’hui, le marché de l’art a multiplié considérablement les intermédiaires entre les entreprises et les artistes…. C’est peut-être dommage. On oublie que beaucoup d’œuvres importantes sont nées d’une vraie rencontre entre mécènes et artistes.

 

Photographe française née en 1971, Sophie Delaporte est diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure Louis Lumière. Elle commence sa carrière au début des années 2000 en publiant ses premières images dans la presse Anglaise et plus particulièrement dans le magazine i-D.
Son travail est régulièrement publié dans de nombreux titres des éditions Condé Nast et de la presse internationale et elle a travaillé pour des marques telles que Hermès ou Astier de Villatte.
Remarquée pour ses recherches sur la couleur et le mouvement, ses photographies sont exposées en 2002, à la galerie Marion Meyer pendant le Mois de la Photo, et lors d’expositions personnelles à Londres (Scream Gallery, 2008), New York (SLE Gallery) ou Tokyo ( Gallery 21, 2010).
En Novembre 2019, Sophie Delaporte reçoit le Grand Prix Photography & Sustainability décerné par Paris Good Fashion et Eyes on Talents pour sa série « Fragile Landscapes ». Certaines de ses images ont été exposées face à l’Hôtel de Ville pendant la dernière édition de Paris Photo.

Les images de cette Carte blanche sont issues de cette série.

sophiedelaporte.com
Instagram

Almudena Romero, nouvelle lauréate de la Résidence BMW à GOBELINS, l’école de l’image

Almudena Romero a été désignée lauréate de la Résidence BMW.
Née en 1986 à Madrid, Almudena Romero est une artiste plasticienne. Professeure à l’université de Stanford, elle est membre de l’Académie de l’Enseignement Supérieur, titulaire d’un troisième cycle en art, design et communication ainsi que d’une maîtrise en photographie de l’Université des Arts de Londres.

 

 


Son projet pour la Résidence BMW The Pigment Change veut expérimenter et explorer le médium photographique sur les variations de pigments dues aux altérations de la lumière comme œuvres d’art photographique

 

Le jury composé de Maryse Bataillard, responsable du mécénat BMW Group France, Nathalie Berriat, directrice de GOBELINS, l’école de l’image,  Hervé Digne, collectionneur, Chantal Nedjib, fondatrice de l’image par l’image, Sam Stourdzé, directeur des Rencontres d’Arles, et Christoph Wiesner, directeur artistique de Paris Photo a choisi la lauréate à l’unanimité après avoir auditionné une première sélection de sept photographes émergents  en visio-conférence le 12 mai dernier

La sélection du pré jury
Les sept candidats auditionnés Isabelle Chapuis, Guillaume Martial, Daniel Mayrit, Haley Morris-Cafiero, Anna Niskanen, Almudena Romero et Kateryna Snizhko ont été́ présélectionnés par un pré-jury composé de Maryse Bataillard, responsable du mécénat de BMW, François Cheval, directeur artistique de la Résidence BMW, Charlotte Flossaut, fondatrice de Photo Doc, Karin Hemar, directrice artistique, Jérôme Jéhel enseignant à GOBELINS, et Chantal Nedjib, fondatrice de l’image par l’image.

©Isabelle Chapuis

©Daniel Mayrit

 

©Guillaume Martial

©Anna Niskanen

©MorrisCafiero

©Kateryna Snizhko

 

 

 

 

 

Ils ont été choisis parmi 151 postulants ayant présenté des dossiers comprenant une note d’intention sur leur projet pour la Résidence BMW et des images de leurs travaux antérieurs.

Les tendances des candidatures
Les candidatures reçues ont montré une grande diversité́ de profils et de travaux. Les postulants étaient à parité (52% de femmes), 86% des candidatures étaient européennes dont 62% de nationalité française et 14% originaires d’Asie, d’Afrique ou du continent américain. Ces chiffres montrent l’impact de la crise COVID-19.
En effet, dans les éditions précédentes les artistes photographes internationaux étaient plus largement représentés, un tiers seulement étant français. De plus, 171 candidats n’ont pas été jusqu’au bout de leurs candidatures probablement par crainte de ne pas pouvoir rejoindre la France en septembre. Cela montre combien il est important que les mécènes, comme BMW Group, continuent à soutenir la création émergente en cette période particulière.
De grandes  tendances se sont démarquées avec une réflexion sur la crise actuelle et des sujets sur l’enfermement et le handicap, mais aussi sur l’environnement et la diversité ou la place de la femme dans la société.

Vincent Salimon, président du directoire de BMW Group France se félicite de ce choix : « Ce projet s’est démarqué par son approche holistique. Almudena Romero a une démarche expérimentale et scientifique originale avec une réflexion engagée sur les rapports entre écologie et production. Sa recherche sur les changements pigmentaires est non seulement technique mais  aussi d’une grande force visuelle.  Son travail fait totalement écho avec la vision qu’à le BMW Group de l’innovation

Nathalie Berriat, directrice de GOBELINS se réjouit : « Almudena Romero est une artiste passionnante et passionnée. Son projet autour de la photographie écologique et politique s’appuie sur une technologie qui reste à explorer. Cet usage des techniques anciennes avec une application plus contemporaine va, sans aucun doute, passionner nos étudiants et l’équipe pédagogique. Il existe une belle cohérence entre son travail et les orientations pédagogiques de GOBELINS qui visent à toujours associer savoir-faire technique et recherche de sens à donner aux images. Almudena Romero qui a su faire preuve de beaucoup de générosité devant le jury, a également témoigné de sa volonté de partager avec nos jeunes : elle saura, j’en suis certaine, pleinement bénéficier de cette Résidence ! »

LE DISPOSITIF DE LA RÉSIDENCE BMW.
Le lauréat reçoit de BMW Group France une bourse de 8 000 €. L’entreprise finance la production des recherches et des œuvres pendant la Résidence ainsi que les expositions personnelles montrées aux Rencontres d’Arles et à Paris Photo.
Le directeur artistique, François Cheval, accompagne le lauréat dans ses recherches. Il assure l’appareil critique et le commissariat des expositions.
GOBELINS, l’école de l’image coordonne le projet tant sur le plan humain que technique. Le lauréat sera accompagné́ par l’équipe pédagogique et par un assistant-étudiant photographe de 3ème année. Il bénéficie des moyens techniques de l’école pour la réalisation.

Retrouvez les commentaires de membres du Jury sur cette nomination et la réaction d’Almudena Romero dans la vidéo sur l’Instagram BMW Art & Culture

l’image par l’image conseille la Résidence BMW 

 



Les Prix s’adaptent au confinement en avril

L’image par l’image continue sa chronique des Prix qui s’adaptent à la situation inédite du confinement et attire l’attention sur des Appels à candidature.

© Finbarr O’Reilly pour la Fondation Carmigna

 

La 11 ème édition du Prix Carmignac du photojournalisme, consacré à la République démocratique du Congo (RDC), a été attribué au photographe canado-britannique Finbarr O’Reilly.
Le reportage de Finbarr O’Reilly a débuté en janvier, avant que la pandémie ne bouleverse nos vies et nos modes de fonctionnement. En raison de l’aggravation de la situation sanitaire internationale et de la fermeture progressive des frontières, Finbarr O’Reilly et l’équipe du Prix — en lien étroit avec les membres du jury et du pré-jury de la 11e édition — ont repensé leur mode opératoire et adapté le Prix et le reportage à la crise que nous traversons.
« Congo in Conversation » est ainsi présenté en ligne;  ce reportage collaboratif a été réalisé avec la coopération étroite de journalistes et photographes congolais (ou basés en RDC) travaillant dans le respect des consignes de sécurité, d’éthique et des standards journalistiques professionnels. Basé sur un site Internet, créé pour l‘occasion, et relayé sur les réseaux sociaux du Prix Carmignac, « Congo in Conversation » proposera une production inédite d’écrits, de reportages photos et de vidéos. Il documentera ainsi les défis humains, sociaux et écologiques que le Congo affronte aujourd’hui, dans le contexte d’une crise sanitaire sans précédent. Le lancement officiel de « Congo in Conversation » sera fait en direct sur le compte Instagram du festival Visa pour l’image, le mardi 28 avril 2020 à 18 h et sur le site : https://congoinconversation.fondationcarmignac.com/fr/

 

Les Appels à candidatures à suivre de près 

Collection Monographie L‘ADAGP accorde, pour sa 4ème édition, dix bourses de 15 000 € afin de contribuer au financement d’une première monographie, étape très importante à une meilleure diffusion du travail des artistes(arts plastiques, bande-dessinée, design, photographie, sculpture..) .  Candidatures à déposer avant le 23 septembre
Règlement ici 
Contact: monographie@adagp.fr

©Julie Franchet- Grand Prix 2019

Le festival LES FEMMES S’EXPOSENT qui récompense les talents féminins lance son appel à candidatures pour les 3 prix de l’édition 2020.
« Ce festival ne s’est pas construit en opposition aux hommes. Il existe pour tenter de réparer, compenser le manque de visibilité des femmes et susciter de nouveaux talents pour plus de diversité et d’égalité. »commente Béatrice Tupin, la présidente du Festival.

Le GRAND PRIX LES FEMMES S’EXPOSENT – FUJIFILM récompensera un sujet photographique en lien avec les droits fondamentaux.
Le prix OBS s’attachera à primer un travail documentaire ou journalistique mettant en lumière un sujet original.
 Le prix SAIF récompensera un travail artistique qui propose une réflexion sur le soin.

Les dates d’ouverture du festival, initialement prévues du 12 juin au 31 août seront définies en fonction de l’évolution de la crise sanitaire actuelle.

Jane Evelyn Atwood

 

Et n’oubliez pas le Prix Levallois
Il s’adresse aux jeunes photographes auteurs, sans condition de nationalité, de moins de 35 ans  et récompense un lauréat par une dotation de 10 000 euros et deux expositions.
Sans privilégier aucun genre photographique particulier, le Prix Levallois souhaite souligner, dans sa sélection, la démarche créative des jeunes photographes, tant au niveau narratif, esthétique, technique que formel.