La Galerie Thierry Bigaignon révèle « Le Bleu du Ciel » du duo d’artistes Edouard Taufenbach et Regis Campo

Lauréats de la 4e édition du Prix Swiss Life à 4 mains,  Edouard Taufenbach, photographe et Regis Campo, musicien ont imaginé un projet autour du vol de l’hirondelle, c’est l’histoire d’un voyage. Il part d’un souvenir d’enfance, de la musique de ces oiseaux dans le ciel et de leur rassemblement sur les fils électriques avant leur grand départ pour l’Afrique, annonçant la fin de l’été. Deux fois par an, des hirondelles traversent le Sahara et la Méditerranée pour joindre l’Afrique subsaharienne et l’Europe.

Leur oeuvre, qui devait être révélée en novembre 2020  au salon appr oc he reporté reporté en raison de la crise sanitaire, sera enfin visible Galerie Thierry Bigaignon du 2 au 13 février. Un livre accompagné d’un CD est publié aux éditions Filigranes et accompagné ce travail magnifique.

Le Bleu du Ciel – cloud (c) Edouard Taufenbach

À partir du sujet de l’hirondelle, Édouard Taufenbach et Régis Campo cherchent à développer une représentation sensible du passage du temps, du mouvement, et des échanges et circulations au sein d’un espace. À l’échelle du vol, le mouvement des hirondelles dans le ciel est l’objet d’une fascination qui nourrit l’imaginaire. Les oiseaux semblent suivre une partition faite de ruptures, d’accélérations et de silences, dessinant des formes abstraites comme des signes à interpréter. Ce projet est une expérimentation au croisement des usages artistiques et scientifiques des médiums photographique et musical. Entre rigueur formelle et narration subjective, la recherche déploie une approche où l’hirondelle en vol figurant un vecteur de force, donne forme et matière à un insatiable désir de liberté avec le ciel pour perspective.

Le Bleu du Ciel – Partition

Sans jamais s’illustrer l’une l’autre, l’image et la musique se pourchassent, se dépassent successivement. Un exercice de voltige où la répétition de rythmes et de motifs, s’appuyant sur la composition de la musique itérative, dialogue avec la répétition d’images organisées. D’une case à l’autre, d’une mesure à l’autre, d’une hirondelle à l’autre, Le Bleu du Ciel dessine des espaces de liberté, construisant un sentiment de mouvement, de vitesse, de ruptures de lignes, si caractéristiques du vol des hirondelles.

Régis Campo et Edouard Taufenbach (c) Oan Kim

Les artistes, un duo intergénérationnel

Le photographe Édouard Taufenbach est né en 1988. Diplômé
d’un master II arts et médias numériques
de Paris 1 – Panthéon Sorbonne, il a déjà de nombreuses expositions personnelles à son actif. Il reçoit le prix coup de cœur du Festival Ici & Demain en 2014,
et est accepté en résidence à la Villa Médicis en 2019.
Il est représenté par la galerie Binôme à Paris, la Elizabeth Houston Gallery à New York, Spazio Nuovo à Rome, et l’Almanaque Fotográfica à Mexico City. Édouard poursuit un travail formel à partir de photographies. Il retravaille des images déjà existantes à la manière d’un monteur. Par l’accumulation, le cadrage, la juxtaposition et la répétition, il cherche à déployer le potentiel formel et fictionnel des images. L’obsession restant liée à l’activation du souvenir, à la réminiscence et à la sensation de mouvement.

Regis Campo, compositeur est né en 1968,. Il  étudie la composition auprès de Georges Bœuf au Conservatoire de Marseille. Il poursuit dans la classe de composition et de civilisations musicales de Jacques Charpentier au Conservatoire national de région de Paris. Il entre ensuite au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, dans les classes d’Alain Bancquart et de Gérard Grisey, où il obtient son premier prix de composition en 1995. Dès 1992, il rencontre le compositeur russe Edison Denisov qui le considère alors comme « l’un des plus doués de sa génération ». De 1999 à 2001, il est pensionnaire à la Villa Médicis. Depuis 2003, sa classe de composition au Conservatoire de Marseille est un lieu de partage et d’ouverture à diverses esthétiques musicales. Son style, souvent qualifié de ludique et coloré, met l’accent sur l’invention mélodique, l’humour, la joie et une grande vitalité des tempos. Il est élu à l’Académie des beaux-arts, le 17 mai 2017, dans la section composition musicale, au fauteuil précédemment occupé par Charles Chaynes.

Cette quatrième édition du Prix Swiss Life à 4 mains, est placée sous le signe de l’audace, de la générosité et de la liberté, elle récompense une rencontre inédite entre photographie et musique.

Soutien actif de la création artistique depuis plus de dix ans, la Fondation Swiss Life a créé son Prix Swiss Life à 4 mains – Photographie & Musique, en 2014. Destiné à révéler ou valoriser des talents, ce prix artistique, unique prix photographie et musique en France, récompense un projet de création croisée et originale d’un photographe et d’un compositeur.

La Fondation Swiss Life a souhaité, pour cette édition, ouvrir la sélection des artistes au niveau national et faire vivre le prix sur deux ans.

Nathalie Martin (c) Patrick Swirc 2019

« De l’audace, il en faut pour associer deux talents, deux disciplines artistiques, et leur faire confiance pour produire une œuvre photographique et musicale en totale carte blanche, dont on ne sait rien au départ, ou si peu. De l’audace, il en faut également pour choisir de se renouveler et ne pas s’installer dans la routine de l’organisation d’un prix. La générosité, c’est offrir aux artistes les moyens financiers de réaliser leur projet. C’est aussi de donner à voir l’œuvre à un public varié par un programme de monstration varié. La liberté, c’est permettre aux artistes de s’exprimer et de créer quelles que soient les circonstances. Nous voulons donner du sens à l’engagement de la Fondation Swiss Life pour le soutien à la création artistique (…). C’est une œuvre poétique qui nous parle de liberté et d’envol, et pouvoir exposer, surtout en cette période, est pour nous un symbole très fort. « souligne Nathalie Martin, déléguée générale de la Fondation Swiss Life

Les lauréats ont été choisis par un jury d’experts : Quentin Bajac, Thierry Bigaignon et Aurélie Pétrel, pour la photographie; Étienne Blanchot, Thomas Enhco et Éric Tanguy, pour la musique; Patrick Le Bescont (éditions Filigranes)

Il a été accompagné par des conseillers artistiques de renom Emilia Genuardi et Elsa Janssen, directrices du salon a ppr oc he, pour la photographie; Olivier Bouley, fondateur du festival Les Pianissimes, accompagné de Pascal Cheynis, spécialiste musique de la Fondation Swiss Life.

Ecoutez  les artistes parler du projet avec la journaliste Sophie Bernard sur la chaine ArchipelTV

Un extrait musical (Rondini, addio al maestro (in memoriam Ennio Morricone), )musique composée, arrangée et orchestrée par Régis Campo

L’ ouvrage sous forme de leporello est paru aux éditions Filigranes, il est disponible ici.

Voir l’oeuvre sous réserve de l’évolution du contexte:
– Galerie Thierry Bigaignon, 9 rue Charlot, 75003 Paris, du 2 au 16 février, du mardi au samedi de 12h à 19h.
– Salon a ppr oc he, printemps 2021
– Musée de la Piscine à Roubaix : exposition du 28 mai au 5 septembre
– Rencontres dArles : événement pendant la semaine douverture du 5 juillet puis exposition
– Arrêt sur limage galerie à Bordeaux : exposition du 9 au 30 septembre

l’image par l’image accompagne le Prix Swiss Life à 4 mains depuis ses débuts 

Carte blanche à Dana Cojbuc


Rencontrée lors d’un Tête à Tête des Filles de la Photo organisé en zoom pendant le confinement, Dana Cojbuc a intrigué l’image par l’image par la poésie qui se dégage de la série « Conte d’hiver ».  Les images de ces paysages ou de ces personnages étaient bien là, la photographie témoignait de leur présence devant nous, mais quelque chose semblait irréel. Le dessin avait pris le relais d’une histoire et traduit l’imaginaire de la photographe pour l’amener vers des images inventées. Une métaphore de l’année 2021 qui s’ouvre après une année 2020 qui n’a ressemblé en rien à ce que nous avions imaginé.  L’image par l’image vous souhaite  » une bonne année, tout simplement ! « , sans emphase,  avec les images surprenantes et inspirantes de Dana Cojbuc.

 

Dana Cojbuc a répondu aux questions de l’image par l’image 

Quand avez-vous commencé la photographie ?
Vers 17 ans, j’ai eu l’appareil de mes parents, un Zenith, qui me servait à tout photographier autour de moi, toute chose qui m’intriguait. Nous n’étions pas nombreux, dans mon petit village au sud de la Roumanie, à avoir un appareil photo et, très souvent, les gens allaient se faire photographier dans une fête foraine par le photographe du village. Même decor, même mise en scène. Par la suite j’ai réussi à suivre des etudes à  l’école de Beaux arts de Bucarest, spécialité photographie.

Qu’est-ce qui vous anime ?
L’envie de montrer mes pensées en images, de transformer la réalité que je contemple, de la construire avec mes outils. Quand quelque chose suscite mon intérêt, je ressens l’enthousiasme qui m’envahit, et l’envie de tourner autour de cette chose autant de fois que nécessaire pour avoir la bonne image de cet instant.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques?
La plupart du temps, je dois m’extraire du quotidien, revenir dans mon village natal en Roumanie, ou être dans un territoire inconnu, souvent en dehors du milieu urbain.
De forts souvenirs peuvent donner naissance à une série comme « Conte d’hiver » qui tourne autour de mon enfance. L’univers de mon village et les gens de là-bas son souvent la source d’inspiration de mon travail.
Contempler la nature et donner une vision propre de celle-ci, inspirée par les coïncidences, les rencontres impromptues.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation?
Une fois trouvé le point de départ qui peut être un lieu, une personne, un rituel, un détail je ressens comme une obsession, quelque chose qui ne sortira pas de mon esprit avant la réalisation des images, je construis une mise en scène. Leur cadre est souvent un lieu extérieur et elles sont réalisées avec peu de moyens.
Actuellement, j’expérimente la pratique du dessin pour accompagner la photo et dépasser le cadre de l’image.
J’aime l’idée de surprendre le réel par la photo, le continuer par le dessin et l’amener vers des images inventées.

Quelle est votre relation avec la commande photographique ?
Je ne réponds pas souvent à des commandes photographiques mais l’exercice de la commande m’intéresse. Répondre à un cahier des charges tout en gardant une identité visuelle à soi me paraît le plus important.

Des expositions en préparation / des éditions ?
Le contexte actuel n’est pas facile. En octobre 2020 j’étais invitée au festival Confrontations photo à Gex avec la série « Conte d’hiver », festival reprogrammé pour octobre 2021. Fin novembre 2020 la série « Conte d’hiver » devait être accueillie par Le Leurre, un espace d’expérimentation artistique à Granville.
Les images de la série « Conte d’hiver » sont conçues initialement pour un livre jeunesse, livre qui verra le jour en 2021, j’espère.

Née en Roumanie Dana Cojbuc vit  à Paris.
Diplomée de l’Université d’art de Bucarest, département de photographie et vidéo en 2003  et Diplomée de l’Université Panteio d’Athènes, département de communication et média en 2007. Elle a commencé la photographie à Ciolanesti, un petit village au sud de la Roumanie où, dit-elle, « les gens se côtoient en permanence, les rues sont vivantes et tu entends en continu le bruit des animaux.  Je n’y habite plus depuis longtemps mais sans cesse j’y retourne, comme attirée par la familiarité que je conserve avec ces personnes que je ne côtoie pas mais qui ne sont pas non plus des inconnus.
Dans mon travail, je construis des mises en scène qui propose au spectateur de s’évader du quotidien. J’essaie derrière le silence d’une image de faire entendre une respiration, sentir un mouvement ou déclencher un sourire.
Très inspirée par les coïncidences, les rencontres impromptues, les petites choses de la vie, je choisis des coins de nature pour raconter des histoires qui paraissent irréelles, non sans humour ou sans absurdité.
Actuellement, je suis attirée par l’univers de l’enfance. Le village est présent cette fois-ci en tant que décor pour un personnage de conte.
J’expérimente la pratique du dessin pour accompagner la photo et dépasser le cadre de l’image. »

Dana Cojbuc a participé récemment à une  masterclass, avec FLORE et Sylvie Hugues sous la coordination d’Adrian Claret, dont elle dit qu’ « elle a été l’expérience idéale pour moi qui sentais le besoin d’un chef d’orchestre pour avancer dans un nouveau projet.
Ne pas être seule ou hésitante pendant le processus d’un travail photographique est une vraie chance. » 

danacojbuc.net

 

Carte blanche à Elisa Moris Vai

 « Récit national », y a-t-il un sujet qui suscite autant de prises de position, de débats et provoque autant de réactions passionnées et d’importance que celui- là aujourd’hui , si l’on fait évidemment abstraction de la crise sanitaire et des élections américaines.
Le sujet est encore plus sensible  quand il est abordé par le biais de l’esclavage qui suscite là aussi tant de débats.
Elisa Moris Vai s’est intéressée avec sérénité et recul aux  héritages de l’esclavage au sein de l’hexagone.  L’artiste, interpellée par des portraits représentant les familles d’armateurs et d’industriels enrichis grâce à la traite et l’esclavage, a donné la parole à de jeunes descendants de personnes esclaves. Contactés grâce à une petite annonce, elle leur a demandé, afin de créer des diptyques, de poser dans le style des tableaux du 18 è siècle, et tels qu’ils sont aujourd’hui, ainsi que de s’exprimer dans des vidéos. L’œuvre interroge la légitimité des richesses déployées sur les peintures du 18è, et nous projette dans la réalité contemporaine des jeunes participants.
Le procédé choisi par l’artiste permet de poser les choses avec une certaine distance, loin de toute émotion et d’instaurer un dialogue sans manichéisme.
Cette vision douce et esthétique a donné envie à l’image par l’image de vous faire partager les images et les tranches de vie qui les accompagnent avec des images, des extraits d’entretiens et des questions à l’artiste sur sa pratique.

Elisa Moris Vai a répondu aux questions de l’image par l’image

Quand (et comment) avez-vous commencé la photographie ?
J’ai commencé la photographie grâce à mon grand-père. La photographie me démangeait depuis quelque temps déjà lorsqu’adolescente, il m’a donné son appareil et s’en est racheté un autre. Mon lycée disposait d’un labo où j’ai fait mes premiers développements et tirages. Car il s’agit d’argentique..

Qu’est ce qui vous anime?
Ce qui m’anime ce sont des problématiques sociétales, une réflexion sur notre société, que j’ai envie de transcrire dans des projets artistiques.  J’ai également une pratique plus quotidienne qui est peut être moins réflexive, mûe par la beauté, les émotions ressenties, tout simplement.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques?
J’ai l’impression que les thèmes viennent à moi, et que je ne les choisis pas vraiment ! Au fil de mes lectures, écoutes, rencontres, des fils rouges surgissent, une idée peu à peu se dessine. Je l’approfondis ensuite par des recherches.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation ?
Une fois mon sujet en place, je commence par une phase approfondie de documentation. Cela passe par la fréquentation des œuvres d’autres artistes sur des sujets similaires, la recherche historique, la lecture.. J’envisage également l’esthétique du projet, je réalise des images tests que j’utilise pour affiner mon propos visuel afin d’arriver à un ensemble cohérent et capable d’interpeller le spectateur.
Dès le début du travail, j’envisage l’œuvre dans l’espace. En fin de processus de création, je choisis le papier sur lequel je vais tirer, en argentique ou en numérique. Pour moi l’œuvre s’envisage jusqu’à l’exposition, à l’édition.

Quelle vision avez-vous des marques aujourd’hui et de leur relation avec la photographie ?
La photographie est plus que jamais au cœur des campagnes des marques, qui ont su intégrer les différentes pratiques contemporaines. J’envisage la collaboration avec les marques comme un challenge passionnant, la chance de relier sa pratique à une ligne artistique forte et à des propositions qui sont l’occasion de se dépasser.

Sur quoi travaillez – vous en ce moment ?
Je travaille à faire connaître mon dernier projet, « Récit National », qui aborde les héritages de l’esclavage au sein de l’hexagone en donnant la parole à de jeunes hommes et femmes descendants de personnes esclaves. Je suis également en phase de recherches pour mon prochain projet.. mais chut !


©Florian du Pasquier

Elisa Moris Vai est une jeune photographe française née en 1988.
Après un Master en Arts du spectacle à l’Université Libre de Bruxelles, elle se perfectionne en photographie. Articulant son travail autour des questions de représentation, d’Histoire et de mémoire, elle fait s’entrecroiser l’individuel au collectif, l’ancien au moderne, pour mieux interroger le regard que l’on pose sur le monde. Sa démarche prend appui sur des recherches approfondies et s’inscrit à la frontière du documentaire et de la fiction.
Son travail s’exprime plastiquement via une grande variété de mediums.

Elle est récompensée pour ce Récit National par le Prix du jury, Photo Oxford Open Call 2020 (jury : Taous R. Dahmani, Dr Lena Frisch, Sian Davey..) –

Elle a participé à plusieurs expositions collectives en Angleterre (Oxford Photo Open Call, Ovada Gallery, Open20 Solo shortlist, Photofringe festival, Brighton, Angleterre, 3/10- 31/10/2020), aux Pays Bas (Futurama, Noorderlicht Festival, Museumpark Landgoed Oranjewoud, Heerenveen)  et en France, sous l’égide du Centre Photographique d’Ile de France,  Les Passerelles, Pontault Combault, France) en 2020

Publications
Atlas des bords, dir. Florent Meng, Centre Photographique d’Île de France, 2020

Extraits des Prises de paroles

Christelle

«Qu’est ce qu’être descendant d’esclave aujourd’hui ? C’est tout d’abord une grande fierté. C’est à travers notre histoire toujours se surpasser et persévérer face aux obstacles ; c’est d’inculquer aux générations à venir des valeurs solides et leur apprendre le vivre ensemble sans distinction de couleur de peau, d’origine ou de religion. C’est avant tout de montrer aux yeux de tous que nous sommes des descendants d’esclaves certes, mais que nous sommes bien plus que ça, nous sommes des êtres humains tous plus talentueux les uns que les autres, et qui souhaitent continuer à vivre dans le respect de chacun, tout en honorant ceux qui se sont battus pour que nous soyons ensemble aujourd’hui». Christelle (portrait de Une)

Jerôme

«L’esclavage trouve sa source dans l’asservissement et l’exploitation d’autrui, afin de satisfaire ses propres intérêts. Ceux qui subissent l’esclavage subissent souvent un déracinement et une perte d’identité (..) Les années ont passé, beaucoup de choses ont changé, mais il est je pense important que les descendants sachent et aient conscience de ce qui s’est passé, non pas pour se venger, mais pour se soigner, et faire en sorte que de tels événements ne se reproduisent pas. L’esclavage s’inscrit dans un engrenage assez vicieux qui vient nourrir le racisme, le fléau des temps modernes. Autrefois on luttait pour l’abolition de l’esclavage ; aujourd’hui, le défi concerne l’égalité au niveau des droits, mais surtout au niveau de la considération. On sent que c’est devenu le nouveau fléau, un véritable problème de société(..) S’exprimer à travers l’art, la musique, la littérature, mais également via le rassemblement et les réseaux sociaux, qui sont aujourd’hui devenus une véritable vitrine pour partager, s’exprimer, s’informer, sont tant d’initiatives qui chaque jour nous permettent d’avancer et de faire évoluer les choses».  Jérôme

 

Léa

« C’est pour moi très important de parler aujourd’hui, de m’affirmer aujourd’hui, d’accepter qui je suis. Je sais que c’est très dur de s’affirmer, de trouver qui on est quand on a plu-sieurs origines. Peut être pendant un temps on va renier une origine, enfin pour ma part ça à été comme ça j’ai renié une origine, et maintenant je suis là et je me dis que non, c’est Moi, c’est mon identité, j’ai deux origines, je dois les accepter, je dois les honorer, comme on peut dire, pour suivre et grandir en toute bonne humeur, toutes bonnes ondes». Léa

 

Lorenza

« Je suis descendante d’esclave. Oui, cette phrase peut surprendre venant d’une personne comme moi, à la peau blanche, aux yeux clairs, et vous devez sûrement vous dire que j’ai eu de la chance sur ce point, car je n’ai jamais été victime de racisme ou d’injustice comme ont pu l’être mes frères à la peau noire.  Mais les cicatrices de ce passé colonial sont tout de même bien ancrées en moi.
Petite, on me disait que je ressemblais beaucoup à une française, et que je ne venais pas de La Réunion.  Aujourd’hui à 20 ans, étudiante en Paris on me dit que je ne suis pas assez blanche pour être vue comme une française… J’ai longtemps essayé de comprendre, de me chercher, de trouver qui j’étais ; et cette identité, c’est à travers mes racines que je l’ai trouvée.
Mes ancêtres m’ont laissé une des choses les plus précieuses à mes yeux, le Maloya. Le Maloya musique des esclaves (…) Mon identité, c’est à travers la langue et à travers cette musique traditionnelle, que j’ai réussi à la trouver.
Et aujourd’hui je reprends avec joie les mots de Danyèl Waro pour vous dire :  « Je ne suis pas blanche, je ne suis pas noire, je suis de la nation des franbatards ». Lorenza

L’image par l’image a découvert le travail de l’artiste lors d’un « Tête à Tête » organisé  par Les Filles de la Photo , premier réseau professionnel féminin  de l’écosystème de la photographie.

 

« Hexagone » d’ Eric Bouvet et Yan Morvan, un dispositif exceptionnel en Gares 25 juin- 15 septembre

Caroline Magnin – agent au bureau des demandeurs d’asile – Bordeaux ®Yan Morvan

Pour la première fois depuis cinquante ans, en raison de l’épidémie mondiale, Les Rencontres d’Arles ont dû renoncer à organiser l’édition 2020 du plus grand festival de photographie.
Face à cette situation inédite, elles ont décidé avec SNCF Gares & Connexions – en charge de la gestion et l’exploitation des 3030 gares françaises – de proposer cet été en gare une exposition inédite, qui prend toute sa dimension à l’heure des problématiques soulevées par la crise sanitaire.

 

 

 

Marie®Eric Bouvet

Jeremy Durier maraicher bio, Saint-Pair-sur-Mer®Yan Morvan

 

 

 

 

 

 

 

L’exposition HEXAGONE devait se tenir dans le cadre de l’édition 2020 des Rencontres d’Arles, annulée en raison de la pandémie. SNCF Gares et Connexions, fort de son expérience et de son savoir- faire, a choisi de concevoir et coproduire des expositions sur mesure et présente le travail de ces deux photographes à Paris Gare de Lyon et à Avignon-TGV du 25 juin au 1er septembre.
Ce projet a pu être réalisé grâce au soutien du Ministère de la culture, BNP Paribas, BMW France et l’Agence nationale de la cohésion des territoires. 

Le projet Hexagone, porté par les photographes Eric Bouvet et Yan Morvan,  explore la vaste question « Qu’est-ce qu’être français ? »

Être Français ? Les deux artistes, Eric Bouvet et Yan Morvan, sont ainsi allés à la rencontre d’hommes et de femmes durant deux ans et leur ont posé la même question, au fil de 60 000 km parcourus sur l’ensemble du territoire métropolitain, de la rupture politique de la campagne présidentielle de 2017 au traumatisme de la pandémie de Covid-19. 

 

Liseby Alphel, femme de ménage, Paris ®Yan-Morvan-

Marc®Eric Bouvet

 

 

 

 

 

 

 

 

Les sujets choisis forment, une fois réunis, une fresque de la France des années 2018-2020. Sont ainsi dépeints les espoirs, les luttes, les grandes mutations mais aussi les enjeux dans une période de changement de paradigme à travers le regard de ces deux grands artistes. Plus de 80 portraits de Français et de Françaises , et leurs paroles sont présentés, issus de leur campagne photographique menée pendant 2 ans sur le territoire. Ils  font état des engagements, des luttes, des espoirs et des grandes mutations à l’œuvre dans la société française.

Juline©Eric Bouvet

Le parti pris d’utiliser une chambre photographique pour ses qualités techniques, la pérennité et le rendu des tirages est essentiel dans cette démarche patrimoniale qui se veut à contrecourant du tout numérique mais également soucieuse de la conservation des images.
60 000 km ont été parcourus dans l’Hexagone par les deux photographes, au cours de 300 jours de prises de vue et de rendez-vous qui se sont déroulés en 24 mois après un an de préparation de l’enquête.
900 plans films 20 x 25 ont été utilisés pour cette mission photographique.

 

Alexis, Paul et Thierry ® Eric Bouvet

« Quel portrait alors se dégage de cette France d’aujourd’hui ? Pour mettre ce thème en images, Éric Bouvet et Yan Morvan n’ont pas choisi au hasard le plus historique et le plus monumental des appareils photographiques : la chambre 20×25. D’une précision infinie dans la retranscription des couleurs et des détails, les négatifs seront encore lisibles dans 100 ans. À l’heure des selfies et des images furtives, il est question ici de prendre son temps, de poser et d’écouter. Ce cahier des charges est important, car il dit tout d’un projet respectueux, ambitieux, qui laisse aux Français le soin de se présenter. De se représenter. Et de prendre la parole aussi, puisque les photographes ont recueilli un bouquet d’engagements, de tourments, de colères, de fiertés. Les visages sont pluriels, les voix sont chorales. Un socle et des fractures se font jour. Du roman national à la fresque multiculturelle. De l’histoire émancipatrice au champ de bataille idéologique.
La France, alors ? Est-ce un territoire, un héritage, une langue, un climat, une fiction ? Pour l’historien Michelet il y a deux siècles déjà, c’était « une âme et une personne ». » commente Natacha Wolinski.

Eric Bouvet et Yan Morvan sont photographes et journalistes. Leur implication dans la documentation des faits politiques, économiques et sociaux depuis les années 80, leur expérience des terrains difficiles, leur notoriété en tant qu’auteurs photographes font d’eux des témoins privilégiés de notre histoire.

 

Après des études dans les arts et industries graphique à l’Ecole Estienne, Eric Bouvet se convertit au photojournalisme et intègre à vingt ans l’agence Gamma. Redevenu indépendant en 1990, il couvre depuis lors les plus grands événements mondiaux et la plupart des conflits qui changent le cours de l’histoire (chute du mur de Berlin, Afghanistan, Tchétchénie, Rwanda, Proche Orient, Somalie, Irak, Libye, Tien An Men…) Connu pour son approche photographique respectueuse et incisive, Eric Bouvet publie ses reportages dans les plus grands magazines internationaux. Au fil des ans, il se tourne vers une photographie plus documentaire, d’inspiration plus contemporaine. Très engagé auprès de la jeune génération, il a à cœur de transmettre et de partager son expérience. De nombreux prix ont récompensé son travail et son engagement, dont deux Visas d’Or, cinq World Press, le Prix du Correspondant de Guerre, le Frontline Club Award…

Après des études de mathématiques et de cinéma, Yan Morvan effectue des reportages sur les Hells Angels et publie en 1974, à vingt ans, sa première photographie dans le quotidien Libération. Son premier livre sur les rockeurs, paru en 1976, préfigure un travail de 20 ans sur les gangs. Il intègre l’équipe de Paris-Match puis du Figaro Magazine jusqu’en 1980. De 1980 à 1988, il couvre les principaux conflits du monde (Liban , Iran-Irak, Rwanda, Kosovo,…) au sein de l’agence Sipa et devient l’un des grands spécialistes de la photo de guerre. Il est couronné par le Prix Robert Capa en 1983 pour son travail au Liban et par deux prix du World Press Photo. Photographe tout terrain, il est toujours là on ne l’attend pas. Il enchaîne les reportages sur des sujets de fond tels que les banlieues, les gangs, les victimes de guerre, les champs de bataille en s’immergeant totalement dans ces différents milieux

 

Le dispositif:
Les gares, espaces publics de médiation culturelle qui accueillent chaque année plus de 100 expositions, deviennent, plus que jamais, l’espace d’expression de toutes les cultures dont sont momentanément privés les citoyens français.
Exposition Paris Gare de Lyon et à Avignon-TGV du 25 juin au 1er septembre.

Le projet Hexagone a reçu le soutien des partenaires suivants : Ministère de la Culture, BNP Paribas, BMW, Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), Fujifilm

Les prises de vue ont été réalisées avec de l’éclairage Profoto,  les Scans par Jean Pascal Laux et les tirages par le  Laboratoire Initial
Paris Gare de Lyon et à Avignon-TGV du 25 juin au 1er septembre. 

www.rencontres-arles.com
www.garesetconnexions.sncf

L’image par l’image et Sabrina Ponti ont accompagné le projet pour la recherche de mécénat 

Carte blanche à Sophie Delaporte

Fragile Landscapes

Nourrie par les surréalistes, Sophie Delaporte aime renverser les codes. Elle joue avec les formes et les couleurs. On la voit photographe de mode mais elle parle de la femme et de sa place dans la société, elle explore les paysages et nos relations fragiles avec l’environnement; la couleur est son langage.
L’historienne de la photographie, Vicki Goldberg, écrit à son propos :  “Sophie Delaporte (..) est toujours en bons termes avec la fantaisie et a une approche joyeusement décalée. Elle a un sens distinctif de la couleur, une imagination de fabuliste, une pointe de surréalisme et un goût pour le récit ambigu”.
L’image par l’image
vous propose après la période pénible que nous venons de passer de nous plonger dans un bain de fraîcheur qui n’en est pas moins profond car il nous fait du bien.

Sophie Delaporte a répondu aux questions de l’image par l’image

Qu’est-ce qui vous anime ?
Enfant, j’ai grandi avec cette magnifique phrase de Malraux dans la tête « l’art est le plus court chemin d’un homme à un homme » qui m’a toujours semblée très inspirante et visionnaire. Plus tard, la lecture de Régis Debray, qui propose de « réhabiliter l’invisible », m’est apparue comme un défi formidable pour un photographe. Cette phrase m’a toujours beaucoup accompagnée. Pour moi, l’image doit être une porte ouverte à l’imagination. J’aime qu’il y ait plusieurs niveaux de lecture, que tout ne soit pas donné.
Mes photographies sont bien souvent pensées comme des « énigmes », des moments suspendus, « hors du temps ».
Comme chez les surréalistes, qui ont beaucoup nourri mon travail, la distance de l’humour, le goût pour l’absurde sont des points importants.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques?
La couleur est tout à fait centrale dans mes photographies. Bien souvent, c’est autour d’elle que l’image se construit.
J’ai toujours cherché, par le traitement de la couleur, à me rapprocher de la peinture.
Par le biais de ces recherches sur la couleur, j’essaie d’aborder parfois des thèmes qui me préoccupent en tant qu’artiste.
Celui de la représentation de la femme, par exemple, dans la série « the clothes she refuses to wear » exposée à New York en 2011, ou des sujets plus environnementaux, comme celui de la pollution aux particules fines ou des colorants dans l’industrie agroalimentaire, lors de l’exposition « True Colors » en 2013.
Les images réalisées à l’occasion du « Grand Prix Photographie & Sustainability » s’inscrivent parfaitement dans cette démarche.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation ?
Bien souvent mes photographies restent la projection mentale d’une idée. A chaque photographie correspond un croquis préparatoire.
J’aime penser le studio comme la scène d’un petit théâtre dans lequel mes modèles s’improvisent à « être » … où les frontières entre le vrai et le faux sont brouillées. Je mets en scène… pour attendre l’imprévu, l’accident.
Une des particularités de mon travail est aussi d’avoir gardé  une approche très « organique » de la photographie, en ne retouchant pas, ou très peu mes images.
Le traitement de la couleur, la mise en scène, tout se fait à la prise de vue. J’aime que mon imaginaire se « cogne » à la réalité.

Fragile Landscapes

 

Vous avez remporté le « Grand Prix Photography & Sustainability »,  en quoi répondre à ce concours vous a t’il intéressé ? 
 Essayer d’aborder certaines problématiques environnementales par l’image était un challenge difficile mais très amusant. Il m’a permis d’inventer de nouvelles formes, en me recentrant sur ce qui a toujours été au cœur de mon travail photographique : la couleur, et la recherche d’une certaine forme d’ « abstraction poétique » .

 Vous effectuez aussi des commandes, quelle est votre relation avec cette pratique ?
La commande est très stimulante, c’est le début d’un dialogue, elle a permis très tôt à mes images de circuler, d’être diffusées et de rencontrer un large public, par le biais des collaborations pour les journaux étrangers par exemple.
Beaucoup de mes photographies, exposées plus tard en galeries, ont été créées à l’origine dans le cadre d’une commande pour un magazine ou d’une collaboration avec une maison. Au fil du temps, j’ai toujours privilégié celles qui me laissaient une très grande liberté, et bien souvent « Carte Blanche ».
Un travail de commande impose aussi des limites qu’il est parfois très stimulant d’un point de vu créatif, d’essayer de repousser.
J’aime l’aborder de manière un peu subversive. Travailler pour la mode ou la beauté par exemple a été pour moi, dès le plus jeune âge, une formidable façon de m’exprimer en tant que femme sur les femmes… renverser les codes, proposer une autre vision.
Il était fascinant de voir à Beaubourg lors de son impressionnante rétrospective, à quel point les commandes publicitaires de Dora Maar ne freinent pas sa créativité. Elles sont même, comme c’est le cas pour Man Ray, à l’origines d’œuvres surréalistes très importantes.
Aujourd’hui, le marché de l’art a multiplié considérablement les intermédiaires entre les entreprises et les artistes…. C’est peut-être dommage. On oublie que beaucoup d’œuvres importantes sont nées d’une vraie rencontre entre mécènes et artistes.

 

Photographe française née en 1971, Sophie Delaporte est diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure Louis Lumière. Elle commence sa carrière au début des années 2000 en publiant ses premières images dans la presse Anglaise et plus particulièrement dans le magazine i-D.
Son travail est régulièrement publié dans de nombreux titres des éditions Condé Nast et de la presse internationale et elle a travaillé pour des marques telles que Hermès ou Astier de Villatte.
Remarquée pour ses recherches sur la couleur et le mouvement, ses photographies sont exposées en 2002, à la galerie Marion Meyer pendant le Mois de la Photo, et lors d’expositions personnelles à Londres (Scream Gallery, 2008), New York (SLE Gallery) ou Tokyo ( Gallery 21, 2010).
En Novembre 2019, Sophie Delaporte reçoit le Grand Prix Photography & Sustainability décerné par Paris Good Fashion et Eyes on Talents pour sa série « Fragile Landscapes ». Certaines de ses images ont été exposées face à l’Hôtel de Ville pendant la dernière édition de Paris Photo.

Les images de cette Carte blanche sont issues de cette série.

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