Retrouver le festival Circulation(s) au Centquatre-Paris et dans les couloirs de la RATP

La direction artistique de Fetart et ses 10 commissaires indépendantes, spécialistes de la photographie émergente nous régale de nouveau . Cette 12ème édition de Circulation(s) présente le travail de 30 jeunes artistes de la nouvelle scène européenne avec de nombreuses découvertes. Un focus comme chaque année à une scène européenne, cette année c’est l’Arménie.Vous  partagez notre coup de coeur ?

Pour découvrir ces photographes c’est au CentQuatre et aussi dans 9 gares et stations du réseau de la RATP qui « invite  » le  festival de la jeune photographie européenne pour la seconde année consécutive et la cinquième fois de son histoire.

 

2016, Studio Portrait

Encounter
Silvia Rosi, avec ses autoportraits, explore les récits de migration et de diaspora pour interroger l’identité de ses parents issus du Togo avant de vivre en Italie.

 

© Lívia Melzi_Étude pour un monument Tupinambá_Maurits

Livia Melizi interroge la place des images dans la relation de pouvoir entre culture européenne et territoire brésilien. Un récit visuel sur les 11 derniers manteaux de la tribu Tupinamba.

 

© Karen Khachaturov

Le photographe et réalisateur arménien Karen Khatchaturov nous plonge dans ses oeuvres pop et surréalistes, avec  Self destruction.

 

© Michalina Kacperak_Soft spot

© Michalina Kacperak_Soft spot

 

Soft Spot
Dans ce lieu ambivalent, foyer autant que prison, le seul lieu sûr pour une enfant reste son imagination;  un très émouvant dispositif proposé par Michalina Kacperak et sa petite soeur.

 

© Ali Saltan_Araf

 Araf (les limbes) d’Ali Saltan: près d’1 million d’afghans réfugiés en Turquie se trouveraient dans l’Araf (les limbes), ce lieu où l’on attend d’être admis au Paradis.

 

© Louise Ernandez_Crimen

Avec le film « Obsession » Louise Ernandez réinterpréte les grands principes du roman photo en floutant peu à peu les codes. Un très beau travail de lumière.

Louise Ernandez

 

© Vaghinak Ghazaryan_Confused space

Primé au World Press et au Prix Lens Culture, Vaghinak Ghazaryan documente les traumatismes de la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en 2020.

 

Circulation(s) du au 2 avril au 29 mai
Centquatre -Paris
5 rue Curial 75019 Paris

www.festival-circulations.com

 

En toute subjectivité…coups de coeur en mars

02 | Mathieu Pernot, Beyrouth, 2020

 

Et si vous alliez vous promener dans Paris pour vous changer les idées quelques instants ?  Quelques propositions  d’images de campagne surprenantes de Roei Greenberg  et de portraits de paysannes de Alexis Vetterotti,  galerie Baudoin Lebon, de Paris vide la nuit en 2020 dans une ambiance cinématographique, galerie Clémentine de la Ferronière et de villes hélas détruites à la Fondation Henri Cartier Bresson où l’actualité nous rattrape comme elle a rattrapé Mathieu Pernot parti sur le traces de son histoire familiale.

Bonne promenade !

 

Hinterland- ©Roei Greenberg

 

Le Prix Camera Clara a attribué  son prix pour sa dixième édition à l’artiste israélien Roei Greenberg pour sa série de photographies de campagne anglaise.
Une mention spéciale a été donnée par le jury à Alexis Vettoretti pour la série de portraits Paysannes »effectués évidemment aussi à la chambre photographique, qui expose à la lumière ces femmes de paysans nées après-guerre.

En utilisant la chambre grand format argentique, le lauréat crée une perspective photographique à plusieurs niveaux, picturale et séduisante, mais qui cherche à perturber les modes traditionnels de représentation du paysage.
Le mieux à même de décrire son travail, Roei Greenberg dit :
« Se promener à la campagne est une pratique culturelle anglaise bien connue. Au-delà de son aspect récréatif, la marche est un acte politique, un parcours intérieur profond lié à mon contexte culturel : arpenter la terre, c’est la connaître, et donc suggérer une appartenance, un droit et une propriété… Depuis peu, je sillonne la campagne anglaise, je me familiarise avec la topographie de cette île pour mieux comprendre sa cartographie héritée des histoires impériales et coloniales.
En référence à l’École romantique, je m’approprie les règles visuelles du pittoresque, traditionnellement utilisées pour créer une illusion d’harmonie sociale et naturelle… La lumière spectaculaire et les conditions météorologiques tourmentées combinées à une attention chirurgicale du détail et aux interventions sur place provoquent des sentiments ambigus, entre séduction et détachement. Cette poétique attirante mais teintée d’ironie cherche à perturber les modes de représentation traditionnels dans un lieu où la propriété foncière et la hiérarchie sociale ont façonné la forme et la perception du paysage depuis des siècles ».

©Alexis Vettoretti

L’exposition est visible galerie Baudoin Lebon, 21 rue Chapon, 75003 Paris,  jusqu’au 26 mars 2022.
http://www.baudoin-lebon.com/fr/galerie/accueil/0/accueil

https://www.prixcameraclara.com

 

Rue de Provence, 9ème arrondissement
Paris, 1er mai 2020
©Frédéric Stucin

C’est à un dialogue croisé sur leur perception du pouvoir poétique de la Seine que nous convie la galerie Clémentine de la Feronnière avec Paris – La Seine, une installation originale de photographies de Frédéric Stucin  et de sculptures de l’artiste contemporain Enzo Mianes.
Frédéric Stucin nous plonge dans des atmosphères nocturnes énigmatiques créées de toutes pièces, dans un procédé proche de celui de la nuit américaine pour le cinéma. Il photographie en journée, toujours avant la tombée de la nuit, et dissimule dans le décor des éclairages qui donnent aux lieux qu’il visite l’apparence de studios photographiques ou de plateaux de tournage. Deux séries sont exposées, dans La Source, il propose de remonter le cours du fleuve et d’en explorer les alentours jusqu’à sa source quand dans le Décor, il capture les rues de la capitale vidée de ses habitants en 2020.
Représenté  par la galerie mor charpentier, l’artiste Enzo Mianes, collecte  des objets récupérés dans la Seine pour produire des sculptures

Galerie Clémentine de la Feronnière, 51 rue Saint Louis en l’ile, 75004 Paris jusqu’au 2 avril 2022.
http://www.galerieclementinedelaferonniere.fr

 

 

 

04 | Mathieu Pernot, Beyrouth, 2020

Lauréat du Prix HCB 2019, Mathieu Pernot présente à la Fondation Henri Cartier Bresson La ruine de sa demeure, une itinérance photographique morcelée entre le Liban, la Syrie et l’Irak. L’album de voyage de son grand-père, réalisé en 1926, en est le point de départ et vient dessiner l’itinéraire suivi de Beyrouth à Mossoul, entre les ruines des civilisations millénaires du Moyen-Orient et celles des tragédies de l’histoire récente. Dans une sensibilité proche du documentaire, Mathieu Pernot dévoile une oeuvre dialectique qui interroge la juxtaposition des récits de la grande histoire et ceux de son histoire familiale. Le commissariat artistique est assurée par Agnès Sire, directrice artistique de la Fondation HCB,. La Fondation d’entreprise Hermès est le mécène du Prix HCB. 

79 rue des Archives – 75003 Paris, jusqu’au 20 juin 2022
www.henricartierbresson.org/prix-hcb/le-prix/ 

 

 

Carte blanche à Julien Drach

still life polaroid 2018 Paris- julien drach

Julien Drach  a choisi la photographie comme média de prédilection, éclairant à travers ses prises de vue délicates la partie cachée et parfois même invisible des choses, des êtres, du réel. Ce passeur d’émotions aime les textures, les couleurs, les reliefs, les objets et  les villes; il fait vibrer leurs atmosphères et en fait des sujets de beauté et de poésie.
En ce début d’année, l’image par l’image sensible depuis plusieurs années à son univers, vous souhaite une très belle années avec les fleurs de Julien Drach.

Julien Drach a répondu aux questions de l’image par l’image

La photographie est -elle une vocation?
Elevé dans le milieu du cinéma, j’ai d’abord été de l’autre côté de la caméra, en étant comédien pendant une dizaine d’années, puis réalisateur de court métrages, avant d’être happé par la photographie. Un séjour napolitain a permis l’exposition d’une première série inspirée du néoréalisme italien.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques?
Les thèmes me choisissent plus que je ne les choisis. Le sujet me dépasse.

Quelle est votre relation avec la commande photographique ?
Il n’y a pas de frontière pour moi entre un travail de commande et mon travail personnel. Je me plonge dans tous ces projets avec la même sensibilité esthétique que poétique .
ll y a une évidence à réaliser une image. Elle ne m’appartient plus.

Quelle est votre actualité?
J’ai  exposé à Paris, fin 2021 à la galerie Tourrette, la série Non finito, une série de polaroids de statues, initiée à l’automne 2018 pendant ma résidence d’artistes à la Villa Medicis.
Mon actualité est à Londres. Sotheby’s expose en effet en janvier Roma qui accompagne la vente aux enchères « Stone » consacré aux  pierres. J’ai également commencé cette série pendant la résidence de 2018 à la Villa Medicis et l’ai poursuivie jusqu’à maintenant.

Julien Drach by Stefano Paradiso

Né à Paris en 1973, l’artiste a été élevé sur un plateau de cinéma et a débuté sa carrière en tant que comédien.
 Son premier court métrage, en tant que réalisateur, «A Way», tourné en 2011, est sélectionné dans plusieurs festivals aux Etats-Unis, à New York et Los Angeles. Passionné par l’image et la lumière, Julien Drach photographie en parallèle de ses tournages. Tout en menant un travail photographique personnel, il répond à des commandes.

Sa série « Néoréalisme, de Naples à Mogador  » est sélectionnée par la Maison Européenne de la Photographie pour le Mois de la Photo en 2014 et exposée à la galerie Ymer & Malta, Paris.
La monographie «Des chantiers et des hommes» commandée par le Groupe Bouygues a fait l’objet d’une exposition à Paris et d’un livre en 2017.
Il enchaîne alors une résidence d’artiste de plusieurs semaines à la Villa Medicis à Rome en 2018 qui donnera lieu à plusieurs séries dont Roma et Non finito. La série de polaroids Still Life  a été exposée à Paris  à la librairie Galignani en 2019 et Galerie Arcturus en 2020.
La Galerie Pierre Passebon l’a exposé au salon PAD Monaco en 2019.
La Maison LVMH l’a choisi avec 200 autres artistes internationaux pour célébrer en 2021 le bicentenaire de la naissance de Louis Vuitton avec l’exposition d’une oeuvre dans le projet Louis 200.
Tout en continuant à collaborer pour la presse magazine, il répond à des commandes de portraits ou des natures mortes pour des maisons de luxe ou pour l’industrie.
Ses oeuvres se trouvent également dans de nombreuses collections privées.

https://www.juliendrach.com

 

« The Pigment Change » par Almudena Romero, Résidence BMW, à Paris Photo

BMW Group France présente l’exposition personnelle d’Almudena Romero à Paris Photo, au Grand Palais Ephémère, du 11 au 14 novembre 2021.
Avec sa série  The Pigment  Change, Almudena Romeo s’interroge  sur le rôle de l’artiste dans le cadre de la crise environnementale, en utilisant des procédés photographiques qui se produisent sur les plantes, pour créer des œuvres d’art photographiques qui renvoient à une esthétique de la fragilité, et de la disparition.Alors que ces photographies végétales grandissent, se développent, se fossilisent ou disparaissent, Almudena Romero explore des interrogations sur la maternité, la production, la durabilité, et la photographie à travers ses travaux imprimés sur des feuilles des plantes et des graines de cresson.
Son travail fait écho à la vision du BMW Group de l’innovation au service d’un avenir plus durable et de la production respectueuse de l’environnement et de ses ressources.

Dixième lauréate de la Résidence BMW, Almudena Romero est sélectionnée par Elles x Paris Photo, parcours dédié aux femmes photographes.

Nathalie Herschdorfer, historienne de l’art spécialisée dans la photographie et directrice du musée du Locle, en Suisse a sélectionné Almudena Romero  parmi les propositions des galeries, datant de 1851 à 2021pour le parcours Elles x Paris Photo. Paris Photo poursuit son engagement en faveur des femmes photographes avec Elles x Paris Photo, un programme initié en 2018 en partenariat avec le ministère de la Culture pour promouvoir la visibilité des femmes artistes et leur contribution à l’histoire de la photographie.
Le parcours valorise notamment des artistes actives aujourd’hui qui explorent des thématiques contemporaines, comme Almudena Romero, qui porte un regard sur la photographie écologique et les grands enjeux de société.
Plus d’informations sur https://ellesxparisphoto.com/s.

« The Pigment Change » fait l’objet d’une publication co-éditée par BMW Group France et les éditions de l’air, des livres.
Un choix éditorial original accompagne la dimension de recherche et d’expérimentation de la Résidence BMW.
Cette édition –  Éditions de l’air, des livres – BMW Art & Culture- se compose d’un ensemble de trois cahiers reliés de format différent, insérés dans une bague, de couleurs distinctes, bleu, rouge et vert rendant hommage au RVB de l’imprimerie et aux recherches d’Almudena Romero.
Le premier cahier est une introduction, préfacée par Vincent Salimon, président du directoire de BMW Group France, et s’ouvre sur un texte de François Cheval, directeur artistique de la Résidence BMW. Le second représente le cahier de recherches de la lauréate. Le troisième montre les œuvres réalisées durant la Résidence.
Le caractère typographique Faune, par Sandrine Nugue dans le cadre d’un appel à candidatures du Centre National des Arts Plastiques (CNAP) en partenariat avec le groupe Imprimerie Nationale, a été utilisé pour les titres.

Un nouveau programme de mécénat pour 2022, le BMW ART MAKERS. Almudena Romero est la dernière lauréate du programme de mécénat culturel de BMW Group France sous forme de résidence. En effet, après vingt belles années de soutien à la photographie et dix ans de Résidence BMW, BMW Group France renforce ses convictions en matière d’accompagnement artistique et réinvente son modèle dédié à la création émergente dans le domaine des arts visuels et de l’image contemporaine.

Les prochaines expositions de BMW Group France seront issues du nouveau programme BMW ART MAKERS qui accompagnera et soutiendra un projet de création artistique et sa mise en espace, proposés par un duo artiste-curateur ou curatrice dans les arts visuels.
L’appel à candidatures pour la première édition est ouvert jusqu’au 15 décembre 2021 sur www.bmw-art-makers.plateformecandidature.com/.
Plus d’informations sur www.instagram.com/bmwgroupculture_fr

 BMW est partenaire officiel de Paris Photo depuis 2003, soutient le programme VIP et met à disposition une flotte de voitures électrifiées pour le transport des invités, des artistes et commissaires d’exposition.

l’image par l’image accompagne le programme photographique de BMW Group France 

Carte blanche à Tiphaine Populu de La Forge


Tiphaine Populu de La Forge a photographié des légumes sur des journaux pour raconter notre rapport au monde pendant la crise sanitaire et plus particulièrement l’expérience du confinement de 2020.
Cette série Et la pluie s’arrête au seuil, montre ainsi des carottes, des épinards, des navets et tant d’autres légumes, qui étaient pour elle une sorte de dernier lien avec l’extérieur auquel on ne pouvait plus vraiment accéder. Elle a posé des légumes, muets, prosaïques, sur des journaux au contraire bavards et savants pour créer des zones de silence, transformer ce végétal en architecture pour créer des murs où s’abriter du monde, des refuges d’où observer le chaos ambiant. Ces cabanes lui rappellent celles dans lesquelles elle se consolait enfant avant d’en construire pour les animaux blessés.
Les actualités quotidiennes – les soignants, la culture, l’Inde, les tensions transfrontalières, Trump, l’École – sont devenues le support de fond, le paysage historique de ses constructions. Elle a cherché la porosité entre les genres de la photographie.
L’artiste, rencontrée lors d’un Tête- à -Tête des Filles de la Photo, s’intéresse aux mécanismes psychologiques et cognitifs à l’œuvre face aux situations de crises (personnelle, sociale, environnementale). La photographie lui permet de transfigurer le réel pour rendre le monde plus habitable. Avec des éléments de notre quotidien, de ceux qui relèveraient normalement de la nature morte, les légumes, le journal, le café, elle a voulu créer des paysages intérieurs, ramener un peu de poésie dans un quotidien qui lui est difficilement supportable. « Mes cabanes symboliques sont précaires, fragiles, éphémères, tantôt repliées sur elles-mêmes, tantôt ouvertes sur l’extérieur, parfois sur la défensive. Elles aussi elles luttent pour tenir bon. Oui, comme nous. »
L’image par l’image vous invite à vous réfugier dans ces cabanes et à regarder le monde différemment.

Tiphaine Populu de La Forge a répondu aux questions de l’image par l’image

Quand (et comment) avez-vous commencé la photographie ?
Fille et petite-fille de photographes, l’image m’accompagne depuis toujours. Parce qu’enfant, je craignais de casser le matériel argentique et qu’être « sur la photo » me terrifiait, la photographie est pourtant longtemps restée la part des hommes de ma famille, une présence aussi familière qu’étrangère. Adolescente, je lui ai préféré le dessin et l’écriture. À 23 ans, j’ai fait mes premières photographies pour rétablir le lien avec mon grand-père malade. Puis pour que l’appareil photographique le plus ancien de sa collection, une chambre d’atelier, ne soit pas vendu après sa mort. C’est en autodidacte que je suis venue à la photographie en 2015, en commençant par le collodion humide sur verre. Ma pratique s’est bientôt étendue à l’argentique. Depuis, des rencontres déterminantes ponctuent mon parcours.  

Qu’est-ce qui vous anime, pourquoi la photographie ?
Elle est ce que j’ai trouvé de plus efficace pour canaliser mes émotions, mettre de l’ordre dans le flot continu de mes pensées, donner une existence concrète à mes idées, transformer ce que je vois et ce que je ressens pour rendre le monde moins douloureux. Ici, je me sens là où je dois être, et ma photographie me donne une chance incroyable, celle de rencontrer de belles personnes. Ce qui m’anime, c’est le plaisir de la construction. Ficeler des idées pour qu’elles se tiennent et fassent sens. Trouver, grâce à un boitier, une optique, une surface sensible et un support final comment les traduire au plus juste. Le meilleur reste le moment du partage, quand l’œuvre continue de se construire grâce au regard des spectateurs.

Pourquoi cette série Et la pluie s’arrête au seuil ?
J’ai réalisé cette série pendant la masterclass pilotée par Sylvie HUGUES, FLORE et Adrian CLARET et élaboré ce travail de mars à novembre 2020. Sur fond de crise sanitaire, j’ai composé avec les contraintes matérielles, temporelles, spatiales sans jamais sentir mon imaginaire bridé. Ce travail a été chaleureusement accueilli et soutenu tout au long des 8 mois de travail. Et la pluie s’arrête au seuil était un peu mon incantation pour résister au flot de mauvaises nouvelles sur l’état du monde en temps de crise sanitaire. Je me suis souvenue qu’enfant, pour affronter les moments difficiles, je construisais des refuges. Alors, j’ai façonné des cabanes, symboliques, pour rendre le monde plus habitable. Des radeaux précaires, faits de choses essentielles, de morceaux de nature utiles à la vie, pour traverser la tempête.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et sa réalisation ?
Pour cette série, l’idée est venue avant la première photographie. Elle a pris corps suite à la vision d’une botte de carottes sur l’étal d’un marchand. C’était fin mars 2020. Autour, les gens s’inquiétaient des possibles pénuries à venir.
Les journaux quotidiens ont été triés par thèmes puis teintés au café pour mettre un filtre sur les titres, casser le contraste noir sur blanc, et me rapprocher de l’esthétique des planches botaniques. Au fil de l’actualité, j’ai assemblé ces fonds modestes pour créer du sens et un ancrage à mes structures. En fonction des sujets et de la saison, j’ai choisi les légumes à travailler et les ai montés en cabanes puis les ai photographiés au moyen format argentique. Un processus répétitif, à l’image du temps confiné, avec pour seules variations les mots de l’arrière plan et le caractère propre à chaque cabane.
Le plus souvent, mon processus créatif m’amène à photographier une fois que j’ai déjà élaboré en grande partie le fond et la forme que prendra le travail. Le choix de mes appareils m’invite à certaine lenteur, contrebalancée par la cadence de mes associations d’idées. Sensible à la couleur des sons (synesthésie), travailler en couleur ne me demande pas le même type d’approche que le monochrome. Il y a des couleurs, voire des accords colorés que je ne parviens pas à photographier tant leur dissonance me heurte. Je photographie et donne à voir la musique que je suis capable d’entendre et parfois, je trouve refuge dans le noir et blanc, plus silencieux.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques ?
Ils s’imposent assez naturellement. Je m’intéresse à la manière dont nous parvenons à surmonter les traumatismes, à transformer le négatif, en positif. En focalisant sur différents types de crises, intime, sociale, environnementale, j’évoque aussi, en filigrane, ma propre histoire. J’adapte mon procédé de prise de vue et de tirage au projet, avec la volonté de donner à mes photographies une forme d’intemporalité. J’aime la porosité entre le passé et le présent, la réalité et la fiction, la photographie et la peinture, la littérature ou les autres arts.

Quelle est votre relation avec la commande photographique ?
J’ai peu d’expérience dans ce domaine mais je m’en rapproche un peu plus chaque jour et j’espère pouvoir compter la commande comme une activité à part entière de ma pratique dans les mois / années à venir. J’aimerais mettre mes idées et mes images au service des marques. Le cadre donné par la commande est un contexte de création stimulant auquel je me sens enfin préparée, une occasion de se dépasser en jouant avec les contraintes.

Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Alors que la crise sanitaire s’étire dans le temps, je travaille à faire connaître les cabanes de Et la pluie s’arrête au seuil. Par ailleurs, une partie de mon temps est consacrée à un projet de livre pour ma série Sous le vent la terre, autour des répercussions directes et indirectes du changement climatique.
Une partie de mon travail sera prochainement exposée dans un lieu parisien atypique que je dois encore garder secret. Je travaille également en collaboration avec un château à Monts en  Touraine, le Domaine de Candé, pour un travail qui s’apparente à une « carte blanche ». L’exposition a été reportée à cause de la crise sanitaire et devrait, j’espère, se tenir en 2022. Enfin, j’entame actuellement la phase prises de vues pour ma prochaine série.

 

Tiphaine Populu de La Forge est diplômée d’un double cursus en Histoire de l’Art et Lettres Modernes.
Née en 1987 à Blois, dans une famille de photographes, elle étanche très tôt sa soif d’images au dessin, à la sculpture et à l’écriture. Certifiée en Lettres, elle a enseigné la littérature jusqu’en 2015.
Photographe autodidacte, elle approfondit sa pratique photographique notamment auprès de la photographe FLORE lors de workshops.
Son parcours, universitaire, artistique et littéraire nourrit aujourd’hui son approche plasticienne et l’amène à développer une recherche sur la relation de l’image au texte.L’artiste travaille principalement en argentique.

https://www.tiphainepopuludelaforge.com