Carte blanche

Carte blanche à Céline Alson

Alice se leva et s’éloigna. Elle remarqua que l’un des arbres était pourvu d’une porte qui permettait d’y pénétrer. « Voilà qui est fort curieux ! » pensa -t-elle « mais qu’est-ce qui n’est pas curieux aujourd’hui? »
Céline Alson est une artiste plasticienne qui utilise la photographie.
Elle décale le regard, brouille les pistes et la série Alice, découverte lors d’un Tête-à Tête des Filles de la Photo avant l’été, en est une preuve flagrante. Son travail mêle des recherches sur la chimie et la matérialité, des manipulations et des expérimentations mais aussi des installations comme autant d’expressions créatives (ou) comme autant d’extensions de la photographie. Elle aime dérouter et cela nous attire dans ses différentes séries.
L’image par l’image vous invite à vous perdre, entre réalité et fiction, dans l’univers de l’artiste.

Celine Alson a répondu aux questions de l’image par l’image

Quand (et comment) avez-vous commencé la photographie ?
A la fois depuis toujours – j’ai eu mon premier appareil très jeune et puis sur le tard – quand j’ai souhaité changer de vie et en faire mon métier. Je me suis alors inscrite dans une école de photographie professionnelle et aux beaux-arts.
La photographie c’est pour moi un mélange d’ attention au monde, de plaisir à être capable de « produire » des images et de « manipuler » la représentation du réel, et aussi de grande liberté.

Qu’est -ce qui vous anime?
La curiosité : pour les gens, pour l’histoire sociale, pour le monde tel qu’il va.
Et apporter du rêve – un regard décalé, de la poésie – pour nous préserver de la réalité.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques?
L’idée d’une série part presque toujours d’une impression d’absurdité –  d’un contraste incongru :  se croire dans des cartes postales vivantes des années 70 dans certaines stations de sport d’hiver ; le désenchantement total du Château de Versailles envahi par les touristes ; le contraste entre le costume strict et noir au bureau des executive women et la couleur et le bazar intégral de leur vie personnelle lorsqu’elles sont mères de famille nombreuse en réalité. …
Bien sûr j’aborde des sujets qui me touchent personnellement : les femmes, l’enfance, l’évolution de notre société et ce qu’elle fait de nos espaces.
Mais sur le fond, je réalise que je ramène toujours ces sujets à la question du cheminement, personnel ou collectif – à notre espace-temps, unité de lieu et voyage dans le temps, ou l’inverse – serais-je dans une métaphore de la vie ? – ce qui nous ramènerait à la première question et à ce choix de devenir photographe.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation?
J’aime expérimenter, inventer de nouvelles formes qui collent avec le sujet – une hybridation entre mes formations d’ingénieur et des Beaux-Arts? Certainement en lien en tous cas avec ma curiosité évoquée!
Pour mes Im-Mobiles, je construit des mobiles transparents à partir de mes photographies que je filme et re-photographie ou que je présente ensuite sous forme d’installation.
Pour la série Alice, j’ai revisité l’heliogravure, en hommage au texte illustré original. J’ai expérimenté de nombreuses plaques et de nombreuses encres car je voulais un résultat à la fois ancien, moderne, et précieux !
C’est une volonté de ma part de brouiller les pistes sur ce que l’on voit, sa nature, sa datation, et de superposer les strates. C’est une envie d’être dans la matérialité, de manipuler l’image artisanalement. C’est ma manière d’agir, ma contribution au monde aujourd’hui.
Mais j’aime encore énormément la « pure » photographie, c’est pourquoi je m’attache à toujours en laisser paraître dans mes projets.
L’inconvénient de tout cela, c’est que cela requiert beaucoup de temps : entre les essais ratés, la mise au point du process et l’exigence sur le résultat final.

Quelle est votre relation avec la commande photographique?
J’ai toujours plaisir à retrouver le monde de l’entreprise, dont j’ai fait partie durant plusieurs années. Ce sont souvent de belles rencontres, car lorsque l’on arrive en tant que photographe, on offre une forme de parenthèse propice aux échanges.
Et puis mon âme de plasticienne trouve belles les infrastructures industrielles, avec leurs matières, leurs lignes, leurs couleurs !
Enfin c’est pour moi l’équilibre économique qui me permet de me consacrer par ailleurs à mes séries personnelles et de financer mes expérimentations.

Des expositions en préparation / des éditions ?/ Sur quoi travaillez – vous en ce moment ?
Après avoir beaucoup exposé, et publié aussi, l’année dernière, je me consacre cette année à la fois à des appels à candidature, et à de la production, même si je souhaite à « Alice » d’être encore exposée.
J’ai trois projets personnels, chacun avec une matérialité différente, qui avancent en parallèle.
Par ailleurs les appels à candidature sont importants à mon sens, car ils permettent, s’ils aboutissent, de travailler moins seule, dans une dynamique plus collective.

 

©Valeria Faillace

Après plus de 15 ans d’une carrière commencée comme ingénieur dans le monde de l’entreprise, Céline Alson choisit de se consacrer entièrement aux arts visuels.

Elle se forme en 2016 au Speos International Photographic Institute à Paris, puis aux Beaux-Arts de Versailles et expose rapidement en parallèle au Centre d’Art Contemporain de Briançon, aux Nuits de la Création de Versailles, et comme artiste en résidence au Photo Festival Baie de Saint Brieuc.

Elle continue aujourd’hui à explorer son thème du cheminement, de notre relation à l’espace-temps, alliant photographies, gravures, installations et vidéos.

 

Son livre Alice en auto édition est en vente en ce moment à la librairie d’Initial Labo à Boulogne. Il a été présenté également au rayon poésie dans d’autres librairies, tout un programme pour brouiller encore les pistes.

 

 

https://celinealson.com/

 

 

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