Frédéric Delangle est un photographe connu pour ses travaux d’architecture et de paysage à qui l’image par l’image a déjà donné une carte blanche en 2019 suite à un travail de commande « Des sneakers comme Jay-Z » réalisé en duo avec Ambroise Tezenas pour l’association Emmaüs Solidarité à Paris.
Les images de sa série I shot the street prises en Inde pendant plusieurs séjours en résidence durant les 7 dernières années tombent à pic pour vous donner un avant -goût de voyage à l’issue de cette année de semi-confinement. Ces images prises dans la rue ont été classées, organisées par l’auteur pour donner sens et comprendre le chaos apparent des scènes photographiées.
Frédéric Delangle tel un conteur nous donne à voir une pièce de théâtre, un spectacle de la rue indienne qui va vous enchanter, nous n’en doutons pas. Il nous éclaire dans ses réponses à nos questions sur le processus de création d’un travail en résidence.
Frédéric Delangle a répondu aux questions de l’image par l’image
Qu’est-ce qui vous anime, pourquoi la photographie ?
La photographie s’est imposée comme mon moyen de communication privilégié. Elle fait émerger ma pensée et m’aide à appréhender le monde. Je suis tout simplement plus à l’aise avec l‘image qu’avec les mots pour percevoir mon environnement, structurer ma pensée et communiquer avec le regard.
Vous êtes connu pour vos travaux sur le paysage et d’architecture, est- ce ainsi que vous définissez comme photographe ?
J’aime remettre en question ma pratique en explorant de nouveaux sujets dans lesquels on ne m’attend pas.
Je peux ainsi réaliser des portraits avec une approche qui sera différente de celle d’un portraitiste, en utilisant par exemple la chambre photographique qui privilégie le temps long, luxe que peu de photographes se permettent aujourd’hui.
Pourquoi cette série I shot the street ?
Lorsque mes sujets ne sont pas des commandes précises, je les choisis par goût ou attirance par une question.
I shot the street est venue d’une invitation à une résidence en Inde prévue pour 1 à 3 mois sans objet précis, à l’invitation d’un mécène propriétaire d’une chaine d’hôtels qui ne demandait rien d’autre qu’une vision différente de la vision touristique classique.
C’était une grande chance de pouvoir bénéficier de cette liberté rare.
Est-ce différent d’une carte blanche et en quoi ?
Oui pour moi c’est très différent. Une carte blanche ne nécessite pas d’être dans un lieu particulier. Le commanditaire fait appel au photographe pour des idées nouvelles.
Une Résidence comme celle -là est beaucoup plus rare car elle n’oblige à rien et le travail de création a ainsi été total.
J’aime créer sur un lieu qui n’est pas mon territoire habituel, c’est une façon nouvelle d’appréhender mon processus de création et d’explorer un nouveau terrain de jeu.de l’appréhender. C’est aussi plus facile de photographier un lieu que l’on ne connait pas., que l’on découvre contrairement à un lieu fréquenté tous les jours et que l’on ne regarde plus.
Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation ?
Je me laisse guider par ce que je vois et passe du temps à regarder avant de photographier.
Pour la série I shot the street, j’ai beaucoup photographié au téléobjectif, puis j’ai détouré, découpé et classé les différents éléments par séries, je les ai organisés comme une accumulation d’objets et de sujets pour comprendre le chaos que Gandhi qualifiait d’harmonieux afin d’en constituer plus de 150 planches de typologies différentes !
J’ai ainsi des séries de femmes habillées en noir ou en blanc, ou tout en couleur, des hommes en longui avec les nœuds à refaire toute la journée, des petites filles déguisées en princesses le dimanche sur les plages, les fleurs dans les cheveux. Les turbans sur l’épaule ou pour cacher leurs cheveux, les cheveux teints roux sacrés, les castes Sadhus en deux roues, les eunuques, les Intouchables, les hommes politiques corrompus , la police, jeunes plus actifs, les plus anciens qui passent le temps aux carrefours, les mendiants, les transports sur la tête, sur l’épaule, les transports des lampes, des chaises, les bouteilles d’eau, à vélo, en camion en deux roues en camions, des échelles, pousse- pousse pour des touristes ou / et des marchandises, individuels ou collectifs, triporteur à vélo, arrière ou avant, en moto, charriot à 4 roues, rickshaws de ville, électriques, de couleur selon les villes, les campagnes, les parcours, les cars, les camions. Les voiles des hommes et des femmes, les poux et les vœux qui expliquent les crânes rasés des femmes et des hommes, les selfies le dimanche en famille…. Toute une société en planches de photos.
Des expositions en préparation / des éditions?
Je travaille sur un projet de livre sur les gravures préhistoriques de la grotte de la Marche, représentant les premiers portraits de l’humanité.
J’ai également un projet d’exposition de Microshop à la médiathèque de Neuilly-sur-Marne en novembre prochain.
Né en 1965, Frédéric Delangle est diplômé du département photographique de Paris 8. Dès ses débuts, il s’est passionné pour l’urbanisme, le paysage et le portrait et développe un travail personnel à la chambre photographique ainsi qu’un travail de commande institutionnelle et d’architecture.
En 2001, il fait son premier voyage en Inde qui marque un tournant dans son travail et l’engage dans un projet de quinze années sur l’Inde contemporaine.
Il en propose une analyse à travers un décodage enjoué ; les différentes segmentations, urbanistiques et sociologiques du pays, font l’objet de détournements plastiques, notamment au travers de 5 séries aux formes hybrides Ahmedabad, Microshop, I shot the street, Stairway to heaven et Paris-Delhi. Au printemps 2017 la Galerie Binome présentait pour la première fois une rétrospective de ce travail avec l’exposition « Printemps indien » dans le cadre du Mois de la Photo du Grand Paris 2017. En 2018, il expose également 5 séries indiennes au festival de la Gacilly.
En 2011, il co-crée France(s) territoire liquide, mission photographique sur le paysage français dans la lignée du projet de la DATAR, qui regroupe 43 photographes et développe sa série Paris-Delhi. Elle fut exposée à l’occasion de l’Année France-Colombie 2017 au Musée d’Art Moderne de Bogota et au Musée d’Antioquia de Medellin puis à la BnF dans l’exposition collective Paysages français, une aventure photographique.
En 2017, il expose sa série Venezia, la scomparsa à la Fondation Wilmotte pendant la Biennale de Venise, fruit d’une carte blanche confiée par l’architecte.
Hiver 2017, il collabore avec Ambroise Tézenas à la réalisation de portraits d’exilés dans le centre d’accueil d’Emmaüs Solidarité porte de la Chapelle, réalisés à la chambre 4×5 : Des sneakers comme Jay-Z. Ils présentent ce travail aux Rencontres d’Arles, à la Quinzaine Photographique Nantaise et à la Grande Halle de la Villette en 2018 et au Foam Museum à Amsterdam en 2019-2020.
Il travaille actuellement avec le Musée de la Préhistoire de Lussac- les-Châteaux sur des relevés photographiques de pierres gravées, représentant des figures humaines exceptionnelles, datant de la période magdalénienne
(-15000), en vue de réaliser un livre et une exposition.
Pour son travail de commande, il collabore très régulièrement avec des agences d’architecture, des urbanistes, des paysagistes et des sociétés institutionnelles parmi lesquels TOA Architecture, RH+, Eole, Paris Habitat, la SEMIP, RDAI, Louis Benech, BFV Architecture, Plan01, Atelier du Pont…
Il a participé également à une exposition collective à la Biennale d’Architecture de Venise en 2016 avec AJAP14. Il a répondu à l’invitation de Jean-Michel Wilmotte pour la réalisation d’une carte blanche sur la ville de Venise dont le fruit a été exposé à la Fondation Wilmotte pendant la Biennale d’art contemporain de Venise en 2017 et a fait l’objet d’un livre aux Editions Xavier Barral.
Ses photographies sont présentes dans des collections privées et publiques telles que le Cnap, la Bibliothèque nationale de France, le Musée Guimet.
Il est représenté par Sabrina Ponti www.sabrinaponti.com
Ouvrages personnels
Ahmedabad, no life last night – Editions Fages
Coït – Editions Fages
Venezia, la scomparsa – Editions Xavier Barral
Des sneakers comme Jay-Z – Emmaüs Solidarité
https://www.instagram.com/fred_delangle/