Jean Christophe Béchet nous propose une marche sur le territoire américain, à la manière d’un musicien qui nous entraine au rythme de sa partition.
Son actualité intense rend grâce à ce photographe exigeant mais si modeste. La parution du livre American Puzzle, l’exposition de son travail à la galerie Les Douches nous entraîne sur la route de cet héritier de la photographie de rue. Ses images reflètent bien son exigence et sa liberté de ton. Bon voyage à la découverte d’une Amérique qu’il interprète à la lumière de sa propre histoire et de celle de la photographie !
Jean Christophe Béchet a répondu à nos questions
Quelle relation voyez vous entre les marques et la photographie ?
Je crois qu’il y a deux façons de concevoir la photographie. Il y a d’un côté les images qui répondent à un besoin de communication ; je parlerai alors de « photographie appliquée ». Et il y a d’autre part, les photos qui s’inscrivent dans un long et lent processus de création personnelle où l’auteur est seul juge de la pertinence de son travail. On pourrait alors parler d’un « travail d’auteur ». Il n’y a pas d’échelle de valeur dans cette approche : je connais d’excellents travaux « appliqués » et de piteuses créations artistiques personnelles ! Toutefois, faire cette distinction au départ est à mon sens crucial, cela permet de se situer et d’éviter les compromis. Une « marque » doit avoir conscience de cela et le photographe aussi. Alors la relation s’établira sur de bons rails en évitant les quiproquos, les déceptions et les incompréhensions. Soyons franc, il y a forcément un rapport de force dans une commande, soit le photographe s’efface au profit de la charte établie par la marque, soit la marque accepte la personnalité de l’artiste, au risque d’être un peu bousculée. C’est évidemment dans ce deuxième cas de figure que les images crées ont une petite chance d’être marquantes et remarquées. Et quoi de plus prestigieux pour une marque que d’être à l’origine de photographies « marquantes » et « remarquées » !
Seriez vous prêt à travailler pour des marques sous forme d’une commande et quel serait alors votre enjeu ?
Tout dépend bien sûr de la marque, mais surtout du contact humain qui va s’établir avec mes interlocuteurs. C’est cela le plus important : le dialogue, la confiance, le rapport humain. A l’origine, je n’aime ni les contraintes, ni les commandes et j’essaie toujours de trouver mon espace de liberté dans n’importe quelle situation. C’est un besoin vital ! Et c’est alors, dans cette indépendance que je peux apporter, je crois, quelque chose à un commanditaire. S’il s’agit de respecter des consignes strictes, il y a des centaines de photographes bien plus doués et pointus techniquement pour les réaliser.
Au fil de mes expériences, j’ai appris à apprécier certaines formes de commande. Cela s’apparente à un défi, on a envie de montrer ce qu’on sait faire et de prouver au commanditaire qu’il a eu raison de nous faire confiance. Mais ce défi doit toujours prendre une forme active, déconcertante, innovante. Il ne faut pas forcément être là où l’on nous attend. Le but est de prendre des risques, sinon on se répète et chacun s’ennuie… L’enjeu idéal serait de faire un travail photo inattendu qui plaise encore plus à la marque que celui auquel elle s’attendait !
Quelle est votre vision des marques aujourd’hui ?
Les mots ont forcément un sens. J’ai parlé des « images marquantes » qui symbôlise une époque, qui la « marque ». Il y a aussi la fameuse « image de marque » et les « marqueurs » d’une société … Les « marques » sont aujourd’hui des repères et des espaces communautaires. Elles vont au delà de la seule consommation. Elles rythment notre vie quotidienne. Je suis comme tout le monde, il y a inconsciemment des marques que j’aime, d’autres qui me laissent indifférents et certaines qui me rebutent. Quelque soit le discours marketing mis en place, c’est la subjectivité qui l’emporte. Et finalement on se comporte, je crois, avec les marques comme avec les individus. Parfois le courant passe tout de suite et parfois on ne trouve rien à se dire. Et il est difficile d’anticiper sur ce rapport réussi ou raté. On connaît tous des amis avec qui on n’a rien commun ou presque et d’autres personnes qui nous sont « objectivement » très proches et avec lesquels on a aucune envie de passer une soirée. Mon rapport au marque est le même, il est intuitif, subjectif, injuste sûrement, mais il doit rester de l’ordre du plaisir et de la confiance.
Né en 1964 à Marseille, Jean-Christophe Béchet vit et travaille depuis 1990 à Paris.Ses travaux personnels ont débouché sur de nombreuses expositions et la publication de sept monographies.
Jean-Christophe Béchet cherche le « bon outil » adapté à chaque projet photographique et refuse de choisir entre le noir et blanc et la couleur, l’argentique et le numérique, le 24×36 et le moyen format, Héritier de la « photo de rue », qu’elle soit américaine, française ou japonaise, il considère qu’il ne faut pas abandonner le terrain du réel et du « document subjectif » pris sur le vif au moment où tout pousse les photographes vers la mise en scène (le marché de l’art comme le « droit à l’image » ou la retouche numérique).
Il construit livre par livre avec une approche subjective où sa vision du réel dialogue avec la nature même du média utilisé. Il fuit les séries fermées sur elles-mêmes, cherchant chaque fois à révéler une spécificité photographique. Au centre, la place de l’homme dans le paysage contemporain, urbain comme naturel.
American puzzle est le résultat de 17 voyages entre 1996 et 2011. C’est une illustration parfaite de ce travail appliqué au territoire américain, sur la piste des « histoires » et de l’Histoire de ce pays continent. Editions Trans Photographic Presse. Bilingue français-anglais, 175 photographies, couleurs et noir et blanc, Prix 49 €
www.transphotographic.com
Exposition du vendredi 3 février au jeudi 5 avril 2012 Galerie Les Douches la Galerie
5 rue Legouvé – 75010 Paris www.lesdoucheslagalerie.com
puis du 8 mars au 15 avril Galerie « Photo4 » (Paris)
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