Carte blanche à Céline Alson

Alice se leva et s’éloigna. Elle remarqua que l’un des arbres était pourvu d’une porte qui permettait d’y pénétrer. « Voilà qui est fort curieux ! » pensa -t-elle « mais qu’est-ce qui n’est pas curieux aujourd’hui? »
Céline Alson est une artiste plasticienne qui utilise la photographie.
Elle décale le regard, brouille les pistes et la série Alice, découverte lors d’un Tête-à Tête des Filles de la Photo avant l’été, en est une preuve flagrante. Son travail mêle des recherches sur la chimie et la matérialité, des manipulations et des expérimentations mais aussi des installations comme autant d’expressions créatives (ou) comme autant d’extensions de la photographie. Elle aime dérouter et cela nous attire dans ses différentes séries.
L’image par l’image vous invite à vous perdre, entre réalité et fiction, dans l’univers de l’artiste.

Celine Alson a répondu aux questions de l’image par l’image

Quand (et comment) avez-vous commencé la photographie ?
A la fois depuis toujours – j’ai eu mon premier appareil très jeune et puis sur le tard – quand j’ai souhaité changer de vie et en faire mon métier. Je me suis alors inscrite dans une école de photographie professionnelle et aux beaux-arts.
La photographie c’est pour moi un mélange d’ attention au monde, de plaisir à être capable de « produire » des images et de « manipuler » la représentation du réel, et aussi de grande liberté.

Qu’est -ce qui vous anime?
La curiosité : pour les gens, pour l’histoire sociale, pour le monde tel qu’il va.
Et apporter du rêve – un regard décalé, de la poésie – pour nous préserver de la réalité.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques?
L’idée d’une série part presque toujours d’une impression d’absurdité –  d’un contraste incongru :  se croire dans des cartes postales vivantes des années 70 dans certaines stations de sport d’hiver ; le désenchantement total du Château de Versailles envahi par les touristes ; le contraste entre le costume strict et noir au bureau des executive women et la couleur et le bazar intégral de leur vie personnelle lorsqu’elles sont mères de famille nombreuse en réalité. …
Bien sûr j’aborde des sujets qui me touchent personnellement : les femmes, l’enfance, l’évolution de notre société et ce qu’elle fait de nos espaces.
Mais sur le fond, je réalise que je ramène toujours ces sujets à la question du cheminement, personnel ou collectif – à notre espace-temps, unité de lieu et voyage dans le temps, ou l’inverse – serais-je dans une métaphore de la vie ? – ce qui nous ramènerait à la première question et à ce choix de devenir photographe.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation?
J’aime expérimenter, inventer de nouvelles formes qui collent avec le sujet – une hybridation entre mes formations d’ingénieur et des Beaux-Arts? Certainement en lien en tous cas avec ma curiosité évoquée!
Pour mes Im-Mobiles, je construit des mobiles transparents à partir de mes photographies que je filme et re-photographie ou que je présente ensuite sous forme d’installation.
Pour la série Alice, j’ai revisité l’heliogravure, en hommage au texte illustré original. J’ai expérimenté de nombreuses plaques et de nombreuses encres car je voulais un résultat à la fois ancien, moderne, et précieux !
C’est une volonté de ma part de brouiller les pistes sur ce que l’on voit, sa nature, sa datation, et de superposer les strates. C’est une envie d’être dans la matérialité, de manipuler l’image artisanalement. C’est ma manière d’agir, ma contribution au monde aujourd’hui.
Mais j’aime encore énormément la « pure » photographie, c’est pourquoi je m’attache à toujours en laisser paraître dans mes projets.
L’inconvénient de tout cela, c’est que cela requiert beaucoup de temps : entre les essais ratés, la mise au point du process et l’exigence sur le résultat final.

Quelle est votre relation avec la commande photographique?
J’ai toujours plaisir à retrouver le monde de l’entreprise, dont j’ai fait partie durant plusieurs années. Ce sont souvent de belles rencontres, car lorsque l’on arrive en tant que photographe, on offre une forme de parenthèse propice aux échanges.
Et puis mon âme de plasticienne trouve belles les infrastructures industrielles, avec leurs matières, leurs lignes, leurs couleurs !
Enfin c’est pour moi l’équilibre économique qui me permet de me consacrer par ailleurs à mes séries personnelles et de financer mes expérimentations.

Des expositions en préparation / des éditions ?/ Sur quoi travaillez – vous en ce moment ?
Après avoir beaucoup exposé, et publié aussi, l’année dernière, je me consacre cette année à la fois à des appels à candidature, et à de la production, même si je souhaite à « Alice » d’être encore exposée.
J’ai trois projets personnels, chacun avec une matérialité différente, qui avancent en parallèle.
Par ailleurs les appels à candidature sont importants à mon sens, car ils permettent, s’ils aboutissent, de travailler moins seule, dans une dynamique plus collective.

 

©Valeria Faillace

Après plus de 15 ans d’une carrière commencée comme ingénieur dans le monde de l’entreprise, Céline Alson choisit de se consacrer entièrement aux arts visuels.

Elle se forme en 2016 au Speos International Photographic Institute à Paris, puis aux Beaux-Arts de Versailles et expose rapidement en parallèle au Centre d’Art Contemporain de Briançon, aux Nuits de la Création de Versailles, et comme artiste en résidence au Photo Festival Baie de Saint Brieuc.

Elle continue aujourd’hui à explorer son thème du cheminement, de notre relation à l’espace-temps, alliant photographies, gravures, installations et vidéos.

 

Son livre Alice en auto édition est en vente en ce moment à la librairie d’Initial Labo à Boulogne. Il a été présenté également au rayon poésie dans d’autres librairies, tout un programme pour brouiller encore les pistes.

 

 

https://celinealson.com/

 

 

Carte blanche à Camille Guichard, photographe écrivain

L’image par l’image propose une rencontre avec un artiste passionné de peinture et de sculpture, mais aussi  d’architecture, de théâtre, de danse,  il écrit des fictions et réalise des documentaires de création. La photographie fait partie de sa vie depuis longtemps et devient une pratique à part entière  depuis quelques années. Commençant maintenant à montrer ses premières séries, l’auteur a accepté de se livrer un peu et nous dévoile quelques images de sa série « Il regardait sa femme comme si elle était son amante  » avant même sa première exposition.

Camille Guichard a répondu aux questions de l’image par l’image

Quand (et comment) avez-vous commencé la photographie ?
L’image et l’écrit ont toujours été présents dans ma démarche artistique et intimement liés. Je réalise des documentaires de création (James Ellroy, Louise Bourgeois, Duane Michals pour ne citer qu’eux) et parallèlement j’écris des scénarii de fiction et des romans. La photographie m’accompagne depuis mon adolescence, et date du jour où mon père m’a offert son appareil photo. En quelque sorte la photographie m’a précédé, puis m’a accompagné pour devenir aujourd’hui ma principale démarche artistique avec l’écrit.

Au départ, j’ai appris la technique par moi-même, en me focalisant sur des prises de vue des quais du port de commerce à Nantes. Le décor avec ses grues métalliques, ses empilements de troncs d’arbres exotiques, ses bateaux amarrés en file indienne, a été mon lieu d’apprentissage. Là, j’ai exploré la lumière et le cadre, le tirage argentique dans le laboratoire d’un ami. Les techniques évoluant, je me suis tourné vers le numérique, aussi bien en photo qu’en film…

Qu’est ce qui vous anime ?
La nécessité d’explorer un sujet fait partie intégrante de moi,  belle endormie qui soudain se réveille. Le dialogue peut alors commencer. Les idées fusent : il s’agit d’expérimenter, de tenter, de raturer et de recommencer. Choisir les bonnes photos, pour enfin maîtriser la série. Je travaille souvent sur plusieurs sujets en même temps, chacun d’entre eux avançant à son rythme propre. C’est parfois frustrant par manque de temps, alors je joue à l’équilibriste. Mais travailler sur plusieurs séries me permet d’avoir du recul sur leur réalisation et de ne retenir que  l’essence même du sujet. Il arrive qu’un projet nourrisse l’autre ou l’anihile. C’est un peu la même chose en fiction : deux personnages peuvent finalement se fondre en un seul.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques ?
Le corps et la nature sont mes principales sources d’inspiration liés à la passion, au désir, à la disparition, à l’altérité, au rapport à l’espace. Pour Ces rivages perdus, la série sur l’érosion du littoral (initiée lors de la Masterclass l’Oeil de l’Esprit), je parle de notre propre disparition à travers la destruction d’une forêt en bordure de mer, ravagée par les vagues et les tempêtes. Avec Il regardait sa femme comme si elle était son amante, il s’agit de la transformation du corps, d’amour et d’épuisement. Plus récemment sur Deux ou trois choses que je sais de vous, une série conçue et réalisée à l’hôtel Ryad à Marseille, la fiction se mêle à la réalité. J’aborde les clients et leur demande de me laisser entrer dans leur chambre pour les photographier, retenir un moment de leur intimité et de leur passage dans ce lieu. Une fois la prise de vue terminée, je demande à chacun, un mot, une phrase qui caractérise ce moment. À partir de là, j’écris une courte fiction. Une manière de retranscrire les sensations que j’ai ressenties au cours des séances photographiques, de dire que l’intimité est celle que l’on veut bien dévoiler, elle peut être apparente, trompeuse, mystifiée, voire mise en scène.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation ?
Pour moi, la photographie est un exercice qui s’apparente à la performance. Je  photographie jusqu’à épuisement. C’est physique. Dans ma série sur la disparition du littoral, j’ai arpenté pendant un an la même zone du territoire, la pointe sud de l’île d’Oléron, là où l’érosion est la plus forte d’Europe. Je l’ai exploré dans ses moindres recoins, revenant photographier les arbres, abîmés, arrachés, à moitié ensevelis, à marée haute et basse. Je photographie les paysages comme s’ils étaient des métaphores d’un monde plus profond, « non comme ils sont », dirait Minor White, le grand photographe américain de l’après-guerre, « mais tel que je suis ». Par la photographie, j’expose mon ressenti, l’émotion qui m’étreint au moment où j’appuie sur le déclencheur.

Dans l’autre série Deux ou trois choses que je sais de vous, ma démarche photographique était également très physique. Des heures d’attente, de refus, de discussions, d’hésitations, de renoncements pour aboutir à quinze portraits. Ne jamais lâcher, exiger toujours plus, font partie inhérente de mon processus photographique.

Ensuite, le travail est plus serein, je retravaille les photos avec Adobe Photoshop. Je retrouve la solitude de l’écrivain devant l’ordinateur, c’est une nouvelle phase d’expérimentation qui commence où la forme artistique se peaufine. Et la dernière étape que j’aime beaucoup est le dialogue avec le tireur photo dans un laboratoire, qui n’est pas sans me rappeler les heures passées avec un étalonneur sur mes films.

Comment alliez-vous photographie et écriture ?
L’écriture intervient à différents moments de ma création. Elle est essentielle dans l’élaboration de mes photographies. Elle peut être le déclencheur des images, je commence par écrire un texte court, une nouvelle ou une poésie et mon travail photographique s’en nourrit ou au contraire, le texte se mêle à l’image, s’inscrit en elle. Les deux alors coexistent naturellement. Et puis parfois l’image devance le texte comme si ce dernier était caché en elle et à un moment il surgit et se révèle. Quoi qu’il en soit, l’écriture est en dialogue constant avec l’image, et inversement.

Des expositions en préparation / des éditions ?
Je me consacre à la photographie depuis quelques années, ayant surtout réalisé des films et écrit des scénarii et des romans jusqu’à présent. Mon désir a été de réaliser des séries avant d’envisager de les exposer. Aujourd’hui, je suis prêt à les montrer et je commence à chercher des lieux d’exposition. Côte édition, la série « Il regardait sa femme comme si elle était son amante », va être éditée : un livre composé de 34 photos qui se suivent en un long plan séquence. Le livre se conclue par une fiction qui raconte l’histoire romancée d’un modèle sous les yeux d’un photographe écrivain.

Extrait :
« Jamais ils ne se sont parlés de leurs impressions après les séances,

Jamais ils ne se sont donnés de directives avant,
Ils ont toujours gardé secret les émotions qu’ils ressentaient pendant les prises de vue, un kaléidoscope de sensations sans cesse renouvelées, comme si le fait de les énoncer les dépouillerait de leur singularité, de la rareté de leur échange,
Elle lui demanda un jour pourquoi il lui faisait refaire régulièrement des poses, jusqu’à s’en étourdir.
Il lui répondit en citant Degas : Il faut refaire dix fois, cent fois le même sujet. Rien en art ne doit ressembler à un accident, même le mouvement. »

Sur quoi travaillez – vous en ce moment ?
Depuis quelques mois, j’entreprends un travail sur l’autoportrait. J’utilise mon corps pour le photographier de manière fragmentaire et en restitue des figures picturales. Je l’exorcise pour retrouver un désir de liberté.

@philippe matsas

Après des études supérieures en mathématique, Camille Guichard réalise de nombreux documentaires de création sur la peinture, la sculpture, le théâtre, l’architecture et la danse contemporaine, ainsi que des courts métrages de fiction. Parallèlement à ses activités de réalisateur, il mène celles de scénariste, notamment à la télévision et au cinéma, et d’écrivain. Son premier roman Vision par une fente est édité chez Gallimard, son dernier roman Pique-Nique, au Mercure de France. Nominé aux César du meilleur court métrage, il est lauréat de la Fondation Beaumarchais, de Sources et finaliste du Grand Prix du meilleur Scénariste Sopadin. Il a été également intervenant en écriture scénaristique au CEEA (Conservatoire Européen de l’Écriture Audiovisuelle) et à l’ENS/Ulm.

Parallèlement à son travail d’auteur et de réalisateur, Camille Guichard fait de la photographie. Depuis deux ans, il a participé à plusieurs PhotoMasterClass et a trois projets en cours : « Il regardait sa femme comme si elle était son amante »,  « Ces rivages perdus »et  » Deux ou trois choses que je sais de vous »
Actuellement, il prépare une autre série « Autoportraits » au sein de la Masterclass l’Oeildeep.

Sa filmographie est impressionnante  et comprend entre autres les titres suivants : James Ellroy ; Vu d’Afrique : Marcel Barcelo 3ème prix au Festival Cinémad’art de Barcelone ; Tumulte ; A propos de l’internationale situationniste ; Robot portrait de Jacques Vaché ; Ornamento ; Nature & Nature sélection FIFA ; L’arpenteur Céleste ; Empreintes Nominé aux Césars ; Les ombres du péché Mention spécial danse au FIFA de l’Unesco ; Louise Bourgeois ; Préault et la sculpture romantique ; Spoerri Sélection FIFAP; Denise René ; Daniel BurenSélection FIFA et prix FIFAP de l’Unesco ; François Morellet sélection FIFA et FIFAP; Le saut de l’ange Primé au festival de Montecatini, Bruxelles, Saarbrüken, Sarre-Lor-Lux, Le Mans ; Stella Baruk ; Master Class de théâtre musical russe ; Stella Baruk ; Duane Michals, the man who invented himself Mention Spécial du Jury FIFA Montréal. Festival de Pittsburgh, Philadelphie, Sao Paulo, New York, Florence, Le mystère Ettore Majorana, un physicien absolu Festival Pariscience, Marrakech, and Festival dei Popoli.

Ses romans et textes : PIQUE-NIQUE, roman, Éditions Mercure de France ; LE REPENTIR, roman, Éditions 00H00 ; LES VOISINS (nouvelle ; Éditions du Musée des Beaux-Arts, Chartres) ; GEORGES AUTARD (Texte exposition, Éditions Muntaner) ; LES OMBRES DU PECHE (nouvelle, Tel Quel/Gallimard) ; VISION PAR UNE FENTE, Roman, Éditions L’infini/Gallimard.

Ses scénarii de fiction comprennent entre autres : MERVEILLE de Jennifer Alleyn, COUP D’ECLAT de José Alcala, AMOURS A MORT d’Olivier Barma, MEURTRES A PONT-L’EVESQUE de Thierry Binisti et des épisodes de séries comme ENQUETES RESERVEES, DIANE FEMME FLIC, etc

Instagram camilleguichardauteur

 

Coup de coeur pour Baptiste Rabichon, 11 ème lauréat du Prix Camera Clara

© Baptiste Rabichon, Mother’s Rooms, 2022

Le jury du Prix Camera Clara a été attribué à Baptiste Rabichon pour sa série Mother’s Room née d’un jeu d’enfant, celui de s’allonger sur un lit, rêver en explorant le plafond, la tête en arrière.
Jeu intime et vérité collective, cette nouvelle œuvre de l’artiste utilise la chambre photographique et son principe fondateur qui renverse l’image réelle pour déclencher ce souvenir.

Dans ses séries précédentes, Baptiste Rabichon mixait les techniques, celles du photographe et du plasticien puisque « la photographie ne peut à elle seule cerner la complexité d’un moment, l’entièreté d’une situation » a commenté Audrey Bazin, directrice artistique du Prix depuis 10 ans.

Dans Mother’s Rooms au contraire, son utilisation de la chambre photographique grand format revient à l’essence de l’image : le point de vue. Artifice et discours sont écartés pour laisser place à la grâce de la simplicité de ce seul point de vue. Ici, la beauté de la vérité de Baptiste Rabichon est tellement simple qu’elle opère comme une alchimie, et nous voici tout retournés.

© Baptiste Rabichon, Mother’s Rooms, 2022

Cette exposition est la 11 ème expression du Prix créé en 2012 par Joséphine de Bodinat – Moreno pour récompenser un travail d’auteur inédit à la chambre photographique, présenté en série ou ensemble photographique afin qu’il puisse être jugé sur sa cohérence, tant sur la forme que sur son contenu.

A l’heure où un déferlement vertigineux d’images est offert à tous via Internet et représente une richesse de communication et de partage, il est aussi incontestable – qu’à côté d’un échange démocratisé de contenus de valeurs – il s’est développé un « à tout va » photographique, très à la mode, qui a entraîné une confusion entre le medium, sa performance et sa qualification d’artistique. Pour la créatrice de ce prix, Joséphine de Bodinat Moreno et la directrice artistique Audrey Bazin, il est apparu essentiel de se positionner en «contrechamp» ou plutôt hors champ des tendances et de faire l’éloge d’une démarche réfléchie et d’une certaine lenteur.

 

 

 

Un livre magnifique édité par Palais retrace les 10 ans d’existence du Prix Camera Clara avec les œuvres des 11 lauréats exposés à ce jour et rend ainsi hommage dans l’ordre des Prix depuis 2012 à Yveline Loiseur, Julien Chatelin, Darek Fortas, Yann Laubscher, Cyrille Weiner, Guillaume Zuilli, Vasantha Yogananthan, Delphine Balley, Stéphanie Solinas, Roei Greenberg et Baptiste Rabichon.

 

 

 

 

Jury
Joséphine de Bodinat-Moreno, fondatrice du prix et présidente du prix Camera Clara, Aurélie Chauffert-Yvart, directrice artistique, sont entourées de huit professionnels du monde de l’art : Dominique de Font-Réaulx, conservatrice générale au musée du Louvre, directrice de la Médiation et de la Programmation culturelle, Audrey Bazin, directrice artistique de la Fondation Louis Roederer, Héloïse Conesa, conservatrice du Patrimoine, en charge de la collection de photographie contemporaine à la Bibliothèque nationale de France , Marc Donnadieu, conservateur en Chef au Musée de l’Élysée à Lausanne, Julie Jones, conservatrice au Cabinet de la photographie du MNAM- Centre Pompidou, Chantal Nedjib, conseil en communication par la photographie, Guillaume Piens, commissaire général d’Art Paris Art Fair, Michel Poivert, professeur en histoire de l’art à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne , Fabien Simode, rédacteur en Chef de la revue d’art L’œil 

 

 

Repères biographiques
Né à Montpellier en 1987, Baptiste Rabichon vit et travaille à Paris. Après des études de viticulture etd’œnologie, il rentre à l’ENSA Dijon en 2009, à l’ENSBA Lyon en 2011 et l’ENSBA Paris en 2012 où ilintègre les ateliers de Claude Closky, P2F et Patrick Tosani. Il obtient son DNSAP en 2014 et sort également diplômé de Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains, en 2017. Depuis son travail singulier en photographie, poussant dans leurs retranchements aussi bien les procédés anciens(photogrammes, cyanotypes, sténopés) que les outils de l’imagerie moderne (scanners, rayons X), lui a valu une reconnaissance rapide auprès des critiques, commissaires et institutions, tant au plan national qu’international.
L’artiste est représenté par la Galerie Binôme depuis 2019.

Prix et Expositions
Ses travaux ont notamment été exposés au Fresnoy à Tourcoing, à la Collection Lambert enAvignon, au Centre d’art contemporain de Nîmes-CNAC, à la Villa Emerige à Paris ou encore auLianzhou Museum of Photography en Chine. En 2018, il remporte le prix-résidence de la Fondation Moly Sabata / Albert Gleizes au 63ème Salon de Montrouge. Lauréat 2017 de la Résidence  BMW  à l’École des Gobelins, son exposition En ville, curatée parFrançois Cheval est programmée aux Rencontres d’Arles puis à Paris Photo.
En 2021, il est résident du Centre d’Art de GwinZegal et de la Cité internationale des arts. Il est cette année-là lauréat de la première résidence Picto Lab / Expérimenter l’image.

© Baptiste Rabichon, Mother’s Rooms, 2022

L’exposition est visible Studio Frank Horvat jusqu’au 30 juin, une occasion de visiter dans sa maison les archives du photographe à ne pas manquer !
5 rue de l’ancienne mairie 92100 Boulogne Billancourt – métro Boulogne Jean Jaurès

Exposition Verbatim jusqu’au 20 mai, Galerie Binôme,
19 rue Charlemagne 75004 Paris

 

 

Carte blanche à Marguerite Bornhauser

L’image par l’image a découvert le travail de Marguerite Bornhauser à la MEP en 2019 avec une vidéo très subtile, a suivi son parcours à Paris Photo et dans une exposition collective organisée par son agent parisien autour de sculptures. Quelques unes de ses images sont maintenant accrochées au Café de la musique. L’atmosphère et la palette colorée de la jeune artiste nous entraînent dans des fictions inattendues, entre figuration et abstraction. Son attention aux détails nous fait découvrir des couleurs, des objets ou des formes que nous n’avons pas su regarder.
Nul doute que vous serez aussi émerveillés par ces images avec lesquelles nous vous présentons  nos meilleurs vœux pour une poésie au quotidien!

Marguerite Bornhauser a répondu aux questions de l’image par l’image

Quand (et comment) avez-vous commencé la photographie ?

J’ai toujours eu un penchant pour les arts de manière générale que ce soit la musique, les arts plastiques, le cinéma, la photographie ou bien la littérature et j’y ai vu la possibilité d’y trouver mon propre moyen d’expression dès l’enfance. J’étudie d’abord la littérature et le journalisme à l’Université et ce sera une véritable porte d’entrée vers la photographie.
Au moment de choisir un sujet de mémoire nous sommes en pleines révolutions du printemps arabe et je suis frappée par le traitement médiatique iconographique qui en est fait. Je décide de me concentrer sur la représentation de la femme sur les Unes des magazines français lors de la révolution en Tunisie. De Valeurs Actuelles qui titre « La menace terroriste » en représentant une femme en burka jusqu’à Marianne montrant une femme en jupe juchée sur les épaules d’une personne brandissant des slogans révolutionnaires, le traitement de l’image est parfois manichéen et à la recherche de l’effet choc, parfois extrêmement subtile et sensible. Je prends à ce moment là conscience de la puissance narrative mais aussi et surtout subjective et personnelle de l’image propre au photographe et à son regard. Cette prise de conscience est décisive et me pousse à changer de parcours pour devenir photographe. J’intègre cette année-là l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles dont je sors diplômée en 2015.

Qu’est -ce qui vous anime?

Je me sers de la photographie pour m’exprimer de la manière la plus sensible et personnelle possible, avec toutes les singularités qui me constituent : mes étrangetés, mes questionnements. Peut-être aurais-je pu choisir l’écriture, la musique, ou un autre moyen d’expression poétique tant qu’il permet l’évocation, ce qui m’intéresse c’est de porter un regard sur ce qui m’entoure au quotidien de la manière la plus sincère et singulière possible. Je m’en sers comme d’un outil fictionnel et poétique, j’aime sa puissance évocatrice et j’essaie toujours d’éviter les écueils de l’image choc ou percutante. C’est un lieu d’exploration infini des subtilités et des singularités de chacun. Qu’elle soit une image prise sur le vif, mise en scène, retouchée ou non, qu’importe le moyen, j’aime brouiller les pistes entre réalité et fiction, entre figuration et abstraction.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques?

Ce qui m’intéresse ce sont les non-événements, les entre-deux, les moments de latence, de contemplation, de rêveries. L’ombre d’une plante sur un corps, le scintillement d’une lumière de fin de journée, les couleurs, la sensualité d’une matière. Je m’intéresse au banal, à l’ennui, au quotidien. Apprendre à revoir avec émerveillement ce qui nous entoure, sans aller chercher plus loin que ce qui s’offre déjà à nous, parler de ce que je connais. Le point de départ de toutes mes séries est toujours quelque chose de proche en opposition assumée à la photographie évènement, au sujet fort ou choc. Chaque série à sa thématique, j’aime aussi mêler des mondes que parfois tout oppose. Sciences, archéologie, littérature, questions environnementales, intimité sont en vrac les dernières thématiques abordées. J’aime faire des recherches, apprendre sur un sujet spécifique en parallèle d’une pratique photographique très libre et instinctive.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation?

J’aime explorer les différents processus de création et expérimenter de nouvelles techniques. Récemment par exemple, j’ai expérimenté le photogramme en laboratoire argentique pour un projet carte blanche au Grand Palais mais aussi la vidéo. J’ai récemment réalisé des sculptures photographiques avec la sculptrice Léa Dumayet à partir d’impressions sur plexiglass, sur soie. En ce moment je débute un projet d’images faites au microscope. J’aime tester de nouveaux supports d’impression, m’essayer à de nouvelles techniques photographiques. Mes photographies sont très souvent prises à l’argentique, j’accumule des milliers d’images dont je me sers pour toutes les séries. Ensuite je n’ai pas de processus spécifique de création, il varie beaucoup en fonction des projets. J’aime aussi travailler l’objet du livre et j’ai à ce jour publié 4 livres de différents projets et je m’apprête à publier mon 5ème livre cette année.

Quelle est votre relation avec la commande photographique?

Dès mes débuts en photographie j’ai toujours travaillé en commande en parallèle de mes travaux personnels. J’ai tout de suite commencé à travailler pour les médias en tant que photographe reporter, portraitiste, mais aussi mise en scène. Par la suite, j’ai développé un travail dans le monde de la mode et du luxe. Les deux pratiques se nourrissent et j’ai besoin des deux pour trouver un équilibre. Mon travail personnel nourrit mon travail de commande et vice et versa. Je prend beaucoup de plaisir à sortir de ma zone de confort, à rencontrer de nouveaux univers et explorer des espaces auxquels je n’aurais jamais eu accès sans ce travail de commande. Il nécessite de savoir constamment se renouveler et s’adapter à des situations parfois peu propices, savoir se mettre en danger ou bien trouver de nouveaux chemins.

We are melting

Des expositions en préparation / des éditions ?/ Sur quoi travaillez – vous en ce moment ?

J’ai en ce moment une exposition personnelle à la Galerie Carlos Carvalho à Lisbonne (qui représente mon travail depuis 3 ans) dans laquelle je présente 5 différentes séries. En février, la galerie me représentera à la foire Arco Madrid et je suis sur le point de sortir mon prochain livre « When black is burned » chez Simple Editions.

A l’heure actuelle, je travaille sur 3 différents projets qui verront le jour cette année. Je suis aussi en résidence pendant 4 ans pour le Grand Palais et je suis l’évolution du chantier de réhabilitation du lieu. Ce projet donnera lieu à un livre et une exposition à la réouverture pour les JO.

 

@Capucine de Chocqueuse


Marguerite Bornhauser est une photographe plasticienne née en 1989 vivant et travaillant à Paris. Après des études de lettres et de journalisme, elle intègre l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles d’où elle sort diplômée en 2015. Sa première exposition institutionnelle personnelle se tient à la Maison Européenne de la photographie en 2019.

Son travail est représenté par plusieurs galeries européennes et a fait l’objet de diverses expositions dans des musées, galeries et festivals dans le monde : en France (Paris, Arles, Toulouse, Deauville, etc.) mais aussi à Londres, Bruxelles, Istanbul, Lisbonne, Suisse, Kyoto, Amsterdam, Madrid, au Bahreïn. Elle est également exposée dans l’espace public dans 27 stations du métro parisien en 2020 et sur des panneaux publicitaires aux Etats-Unis avec le Cincinnati Art Museum en 2015. En 2020, elle gagne le prix de la photographe émergente de l’année de Photo London. En 2021, le Grand Palais lui donne carte blanche pour poser son regard sur le chantier de rénovation pendant les 4 ans que vont durer les travaux qui donneront lieu à une publication ainsi qu’a une exposition. En 2022 elle est sélectionnée par l’invité d’honneur de Paris Photo ainsi que par BMW.

Marguerite Bornhauser accompagne le plus souvent sa recherche photographique d’un travail éditorial. Son premier livre en auto édition, Plastic Colors, a été sélectionné en 2015 parmi les 10 finalistes du First Book Award par la maison d’édition MACK. Il est édité en 2017. Son second livre 8 est publié aux éditions Poursuite l’année suivante. En 2019, elle publie son troisième livre Red Harvest chez Poursuite également. Elle édite son quatrième livre aux Editions La Martinière en 2021 et s’apprête à publier son cinquième livre When Black is burned en 2023 avec Simple Editions. Elle est également représentée en commande mode, luxe et carte blanche pour les marques par Florence Moll – FMA le Bureau en France et Pleat en Angleterre. 

Les images présentées sont issues des séries When black is burned  et Etoile Rétine, ainsi que de la plus récente We are melting. Le diptyque fait partie de Etoile Retine.

 

http://margueritebornhauser.com/

Galeries :

Suisse & Pays-Bas- Bidahalle
https://www.bildhalle.ch/en/

Portugal Carlos Carvalho
https://www.carloscarvalho-ac.com

Agents :

France- Florence Moll / FMA le bureau
https://fmalebureau.com

UK- Pleat
https://pleatartists.com/

 

Pensées pour Ronan Guillou

Le très talentueux photographe Ronan Guillou nous a quittés beaucoup trop tôt. Son absence nous attriste profondément. Son talent et son extrême gentillesse vont nous manquer.
Il m’avait fait le plaisir de parler de son travail de commande en 2011 sur le tout nouveau site de l’image par l’image.
Je vous propose de relire ses propos dans la carte blanche qu’il nous avait confiée.
Mes pensées à sa famille et à Corinna Schack son agent si attentive.