Coup de coeur pour Baptiste Rabichon, 11 ème lauréat du Prix Camera Clara

© Baptiste Rabichon, Mother’s Rooms, 2022

Le jury du Prix Camera Clara a été attribué à Baptiste Rabichon pour sa série Mother’s Room née d’un jeu d’enfant, celui de s’allonger sur un lit, rêver en explorant le plafond, la tête en arrière.
Jeu intime et vérité collective, cette nouvelle œuvre de l’artiste utilise la chambre photographique et son principe fondateur qui renverse l’image réelle pour déclencher ce souvenir.

Dans ses séries précédentes, Baptiste Rabichon mixait les techniques, celles du photographe et du plasticien puisque « la photographie ne peut à elle seule cerner la complexité d’un moment, l’entièreté d’une situation » a commenté Audrey Bazin, directrice artistique du Prix depuis 10 ans.

Dans Mother’s Rooms au contraire, son utilisation de la chambre photographique grand format revient à l’essence de l’image : le point de vue. Artifice et discours sont écartés pour laisser place à la grâce de la simplicité de ce seul point de vue. Ici, la beauté de la vérité de Baptiste Rabichon est tellement simple qu’elle opère comme une alchimie, et nous voici tout retournés.

© Baptiste Rabichon, Mother’s Rooms, 2022

Cette exposition est la 11 ème expression du Prix créé en 2012 par Joséphine de Bodinat – Moreno pour récompenser un travail d’auteur inédit à la chambre photographique, présenté en série ou ensemble photographique afin qu’il puisse être jugé sur sa cohérence, tant sur la forme que sur son contenu.

A l’heure où un déferlement vertigineux d’images est offert à tous via Internet et représente une richesse de communication et de partage, il est aussi incontestable – qu’à côté d’un échange démocratisé de contenus de valeurs – il s’est développé un « à tout va » photographique, très à la mode, qui a entraîné une confusion entre le medium, sa performance et sa qualification d’artistique. Pour la créatrice de ce prix, Joséphine de Bodinat Moreno et la directrice artistique Audrey Bazin, il est apparu essentiel de se positionner en «contrechamp» ou plutôt hors champ des tendances et de faire l’éloge d’une démarche réfléchie et d’une certaine lenteur.

 

 

 

Un livre magnifique édité par Palais retrace les 10 ans d’existence du Prix Camera Clara avec les œuvres des 11 lauréats exposés à ce jour et rend ainsi hommage dans l’ordre des Prix depuis 2012 à Yveline Loiseur, Julien Chatelin, Darek Fortas, Yann Laubscher, Cyrille Weiner, Guillaume Zuilli, Vasantha Yogananthan, Delphine Balley, Stéphanie Solinas, Roei Greenberg et Baptiste Rabichon.

 

 

 

 

Jury
Joséphine de Bodinat-Moreno, fondatrice du prix et présidente du prix Camera Clara, Aurélie Chauffert-Yvart, directrice artistique, sont entourées de huit professionnels du monde de l’art : Dominique de Font-Réaulx, conservatrice générale au musée du Louvre, directrice de la Médiation et de la Programmation culturelle, Audrey Bazin, directrice artistique de la Fondation Louis Roederer, Héloïse Conesa, conservatrice du Patrimoine, en charge de la collection de photographie contemporaine à la Bibliothèque nationale de France , Marc Donnadieu, conservateur en Chef au Musée de l’Élysée à Lausanne, Julie Jones, conservatrice au Cabinet de la photographie du MNAM- Centre Pompidou, Chantal Nedjib, conseil en communication par la photographie, Guillaume Piens, commissaire général d’Art Paris Art Fair, Michel Poivert, professeur en histoire de l’art à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne , Fabien Simode, rédacteur en Chef de la revue d’art L’œil 

 

 

Repères biographiques
Né à Montpellier en 1987, Baptiste Rabichon vit et travaille à Paris. Après des études de viticulture etd’œnologie, il rentre à l’ENSA Dijon en 2009, à l’ENSBA Lyon en 2011 et l’ENSBA Paris en 2012 où ilintègre les ateliers de Claude Closky, P2F et Patrick Tosani. Il obtient son DNSAP en 2014 et sort également diplômé de Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains, en 2017. Depuis son travail singulier en photographie, poussant dans leurs retranchements aussi bien les procédés anciens(photogrammes, cyanotypes, sténopés) que les outils de l’imagerie moderne (scanners, rayons X), lui a valu une reconnaissance rapide auprès des critiques, commissaires et institutions, tant au plan national qu’international.
L’artiste est représenté par la Galerie Binôme depuis 2019.

Prix et Expositions
Ses travaux ont notamment été exposés au Fresnoy à Tourcoing, à la Collection Lambert enAvignon, au Centre d’art contemporain de Nîmes-CNAC, à la Villa Emerige à Paris ou encore auLianzhou Museum of Photography en Chine. En 2018, il remporte le prix-résidence de la Fondation Moly Sabata / Albert Gleizes au 63ème Salon de Montrouge. Lauréat 2017 de la Résidence  BMW  à l’École des Gobelins, son exposition En ville, curatée parFrançois Cheval est programmée aux Rencontres d’Arles puis à Paris Photo.
En 2021, il est résident du Centre d’Art de GwinZegal et de la Cité internationale des arts. Il est cette année-là lauréat de la première résidence Picto Lab / Expérimenter l’image.

© Baptiste Rabichon, Mother’s Rooms, 2022

L’exposition est visible Studio Frank Horvat jusqu’au 30 juin, une occasion de visiter dans sa maison les archives du photographe à ne pas manquer !
5 rue de l’ancienne mairie 92100 Boulogne Billancourt – métro Boulogne Jean Jaurès

Exposition Verbatim jusqu’au 20 mai, Galerie Binôme,
19 rue Charlemagne 75004 Paris

 

 

Carte blanche à Marguerite Bornhauser

L’image par l’image a découvert le travail de Marguerite Bornhauser à la MEP en 2019 avec une vidéo très subtile, a suivi son parcours à Paris Photo et dans une exposition collective organisée par son agent parisien autour de sculptures. Quelques unes de ses images sont maintenant accrochées au Café de la musique. L’atmosphère et la palette colorée de la jeune artiste nous entraînent dans des fictions inattendues, entre figuration et abstraction. Son attention aux détails nous fait découvrir des couleurs, des objets ou des formes que nous n’avons pas su regarder.
Nul doute que vous serez aussi émerveillés par ces images avec lesquelles nous vous présentons  nos meilleurs vœux pour une poésie au quotidien!

Marguerite Bornhauser a répondu aux questions de l’image par l’image

Quand (et comment) avez-vous commencé la photographie ?

J’ai toujours eu un penchant pour les arts de manière générale que ce soit la musique, les arts plastiques, le cinéma, la photographie ou bien la littérature et j’y ai vu la possibilité d’y trouver mon propre moyen d’expression dès l’enfance. J’étudie d’abord la littérature et le journalisme à l’Université et ce sera une véritable porte d’entrée vers la photographie.
Au moment de choisir un sujet de mémoire nous sommes en pleines révolutions du printemps arabe et je suis frappée par le traitement médiatique iconographique qui en est fait. Je décide de me concentrer sur la représentation de la femme sur les Unes des magazines français lors de la révolution en Tunisie. De Valeurs Actuelles qui titre « La menace terroriste » en représentant une femme en burka jusqu’à Marianne montrant une femme en jupe juchée sur les épaules d’une personne brandissant des slogans révolutionnaires, le traitement de l’image est parfois manichéen et à la recherche de l’effet choc, parfois extrêmement subtile et sensible. Je prends à ce moment là conscience de la puissance narrative mais aussi et surtout subjective et personnelle de l’image propre au photographe et à son regard. Cette prise de conscience est décisive et me pousse à changer de parcours pour devenir photographe. J’intègre cette année-là l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles dont je sors diplômée en 2015.

Qu’est -ce qui vous anime?

Je me sers de la photographie pour m’exprimer de la manière la plus sensible et personnelle possible, avec toutes les singularités qui me constituent : mes étrangetés, mes questionnements. Peut-être aurais-je pu choisir l’écriture, la musique, ou un autre moyen d’expression poétique tant qu’il permet l’évocation, ce qui m’intéresse c’est de porter un regard sur ce qui m’entoure au quotidien de la manière la plus sincère et singulière possible. Je m’en sers comme d’un outil fictionnel et poétique, j’aime sa puissance évocatrice et j’essaie toujours d’éviter les écueils de l’image choc ou percutante. C’est un lieu d’exploration infini des subtilités et des singularités de chacun. Qu’elle soit une image prise sur le vif, mise en scène, retouchée ou non, qu’importe le moyen, j’aime brouiller les pistes entre réalité et fiction, entre figuration et abstraction.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques?

Ce qui m’intéresse ce sont les non-événements, les entre-deux, les moments de latence, de contemplation, de rêveries. L’ombre d’une plante sur un corps, le scintillement d’une lumière de fin de journée, les couleurs, la sensualité d’une matière. Je m’intéresse au banal, à l’ennui, au quotidien. Apprendre à revoir avec émerveillement ce qui nous entoure, sans aller chercher plus loin que ce qui s’offre déjà à nous, parler de ce que je connais. Le point de départ de toutes mes séries est toujours quelque chose de proche en opposition assumée à la photographie évènement, au sujet fort ou choc. Chaque série à sa thématique, j’aime aussi mêler des mondes que parfois tout oppose. Sciences, archéologie, littérature, questions environnementales, intimité sont en vrac les dernières thématiques abordées. J’aime faire des recherches, apprendre sur un sujet spécifique en parallèle d’une pratique photographique très libre et instinctive.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation?

J’aime explorer les différents processus de création et expérimenter de nouvelles techniques. Récemment par exemple, j’ai expérimenté le photogramme en laboratoire argentique pour un projet carte blanche au Grand Palais mais aussi la vidéo. J’ai récemment réalisé des sculptures photographiques avec la sculptrice Léa Dumayet à partir d’impressions sur plexiglass, sur soie. En ce moment je débute un projet d’images faites au microscope. J’aime tester de nouveaux supports d’impression, m’essayer à de nouvelles techniques photographiques. Mes photographies sont très souvent prises à l’argentique, j’accumule des milliers d’images dont je me sers pour toutes les séries. Ensuite je n’ai pas de processus spécifique de création, il varie beaucoup en fonction des projets. J’aime aussi travailler l’objet du livre et j’ai à ce jour publié 4 livres de différents projets et je m’apprête à publier mon 5ème livre cette année.

Quelle est votre relation avec la commande photographique?

Dès mes débuts en photographie j’ai toujours travaillé en commande en parallèle de mes travaux personnels. J’ai tout de suite commencé à travailler pour les médias en tant que photographe reporter, portraitiste, mais aussi mise en scène. Par la suite, j’ai développé un travail dans le monde de la mode et du luxe. Les deux pratiques se nourrissent et j’ai besoin des deux pour trouver un équilibre. Mon travail personnel nourrit mon travail de commande et vice et versa. Je prend beaucoup de plaisir à sortir de ma zone de confort, à rencontrer de nouveaux univers et explorer des espaces auxquels je n’aurais jamais eu accès sans ce travail de commande. Il nécessite de savoir constamment se renouveler et s’adapter à des situations parfois peu propices, savoir se mettre en danger ou bien trouver de nouveaux chemins.

We are melting

Des expositions en préparation / des éditions ?/ Sur quoi travaillez – vous en ce moment ?

J’ai en ce moment une exposition personnelle à la Galerie Carlos Carvalho à Lisbonne (qui représente mon travail depuis 3 ans) dans laquelle je présente 5 différentes séries. En février, la galerie me représentera à la foire Arco Madrid et je suis sur le point de sortir mon prochain livre « When black is burned » chez Simple Editions.

A l’heure actuelle, je travaille sur 3 différents projets qui verront le jour cette année. Je suis aussi en résidence pendant 4 ans pour le Grand Palais et je suis l’évolution du chantier de réhabilitation du lieu. Ce projet donnera lieu à un livre et une exposition à la réouverture pour les JO.

 

@Capucine de Chocqueuse


Marguerite Bornhauser est une photographe plasticienne née en 1989 vivant et travaillant à Paris. Après des études de lettres et de journalisme, elle intègre l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles d’où elle sort diplômée en 2015. Sa première exposition institutionnelle personnelle se tient à la Maison Européenne de la photographie en 2019.

Son travail est représenté par plusieurs galeries européennes et a fait l’objet de diverses expositions dans des musées, galeries et festivals dans le monde : en France (Paris, Arles, Toulouse, Deauville, etc.) mais aussi à Londres, Bruxelles, Istanbul, Lisbonne, Suisse, Kyoto, Amsterdam, Madrid, au Bahreïn. Elle est également exposée dans l’espace public dans 27 stations du métro parisien en 2020 et sur des panneaux publicitaires aux Etats-Unis avec le Cincinnati Art Museum en 2015. En 2020, elle gagne le prix de la photographe émergente de l’année de Photo London. En 2021, le Grand Palais lui donne carte blanche pour poser son regard sur le chantier de rénovation pendant les 4 ans que vont durer les travaux qui donneront lieu à une publication ainsi qu’a une exposition. En 2022 elle est sélectionnée par l’invité d’honneur de Paris Photo ainsi que par BMW.

Marguerite Bornhauser accompagne le plus souvent sa recherche photographique d’un travail éditorial. Son premier livre en auto édition, Plastic Colors, a été sélectionné en 2015 parmi les 10 finalistes du First Book Award par la maison d’édition MACK. Il est édité en 2017. Son second livre 8 est publié aux éditions Poursuite l’année suivante. En 2019, elle publie son troisième livre Red Harvest chez Poursuite également. Elle édite son quatrième livre aux Editions La Martinière en 2021 et s’apprête à publier son cinquième livre When Black is burned en 2023 avec Simple Editions. Elle est également représentée en commande mode, luxe et carte blanche pour les marques par Florence Moll – FMA le Bureau en France et Pleat en Angleterre. 

Les images présentées sont issues des séries When black is burned  et Etoile Rétine, ainsi que de la plus récente We are melting. Le diptyque fait partie de Etoile Retine.

 

http://margueritebornhauser.com/

Galeries :

Suisse & Pays-Bas- Bidahalle
https://www.bildhalle.ch/en/

Portugal Carlos Carvalho
https://www.carloscarvalho-ac.com

Agents :

France- Florence Moll / FMA le bureau
https://fmalebureau.com

UK- Pleat
https://pleatartists.com/

 

Pensées pour Ronan Guillou

Le très talentueux photographe Ronan Guillou nous a quittés beaucoup trop tôt. Son absence nous attriste profondément. Son talent et son extrême gentillesse vont nous manquer.
Il m’avait fait le plaisir de parler de son travail de commande en 2011 sur le tout nouveau site de l’image par l’image.
Je vous propose de relire ses propos dans la carte blanche qu’il nous avait confiée.
Mes pensées à sa famille et à Corinna Schack son agent si attentive.

BMW célèbre 20 ans de partenariat avec Paris Photo

BMW célèbre 20 ans de soutien à la création émergente et de partenariat avec Paris Photo qui fête ses 25 ans au Grand Palais Ephémère du 10 au 13 novembre.

Pour marquer cette étape, BMW propose plusieurs événements artistiques :

   – l’exposition Hantologie suburbaine du premier duo de lauréats de BMW ART MAKERS, programme de mécénat dédié à l’image contemporaine et aux arts visuels. L’artiste Arash Hanaei et le curateur Morad Montazami explorent l’architecture et l’écosystème périphérique de la banlieue à l’ère de la réalité augmentée et du métaverse.

 

 

-sur le même espace seront exposées des oeuvres des artistes lauréats de la Résidence BMW de 2011 à 2021, issues de sa collection d’entreprise, en forme de rétrospective. (Alexandra Catiere, Marion Gronier, Natasha Caruana, Mazaccio & Drowilal, Natasha Caruana, Alinka Echeverria, Dune Varela, Baptiste Rabichon, Emeric Lhuisset, Lewis Bush, Almudena Romero).

 

 

 -une sélection de 20 coups de coeur parmi les artistes de la foire et de son programme associé, réalisée par Thomas Girst, directeur de l’engagement culturel mondial de BMWGroup et historien d’art. La liste et les raisons du choix de ses choix seront disponibles sur l’espace BMW pendant la foire et sur les réseaux sociaux .

Les visiteurs pourront aussi découvrir sur l’espace BMW Art et culture la 7ème édition du BMW Art Guide, by Indépendant Collectors et devant le Grand Palais éphémère une flotte de voitures électrifiées pour le transport des invités, artistes et commissaires d’exposition, BMW soutenant le programme VIP.

L’appel à candidatures pour la deuxième édition de BMW Art Makers est ouvert jusqu’au 22 novembre 2022 sur www.bmw-art-makers.plateformecandidature.com/

Contacts:

mprangey@gmail.com

 www.twitter.com/BMWFrance

www.instagram.com/bmwgroupculture fr www.linkedin.com/company/bmw-group-france

l’image par l’image conseille BMW France pour son mécénat photographique

Carte blanche à Karin Hémar

La Carte blanche de la rentrée propose le travail de Karin Hémar dont le rôle habituel est de mettre en lumière, promouvoir ou accompagner des projets culturels à travers ses activités de conseil aux entreprises et de journalisme. Cela fait plusieurs années que la directrice artistique s’exprime aussi par des compositions formelles et sensibles, associant sa photographie à d’autres supports. Mais discrète et modeste, elle ne les montrait pas. Une exposition constituée d’une quarantaine d’œuvres a été présentée en Bretagne, puis avec un réel succès, à la Galerie ARCHILIB à Paris en mai, avant d’être montrée à Arles lors du festival  Eté indien(s) en septembre de cette année.

L’image par l’image a le plaisir de partager avec vous quelques-unes de ces images qui nous ont littéralement happées.
Bonne rentrée culturelle à tous et toutes!

Karin Hémar a répondu aux questions de l’image par l’image

Quand (et comment) avez-vous commencé la photographie ?
Je ne sais pas à quand remontent mes premières photos. Petite, je chipais le polaroïd de mon père, dont je trouvais le procédé de révélation instantanée magique.
Depuis quinze ans, j’ai développé ma pratique de façon instinctive, la nourrissant peu à peu des projets, découvertes et rencontres artistiques réalisés en tant que journaliste, commissaire ou consultante.
Travaillant plutôt en coulisses, bien placée pour constater combien la création nécessite travail, persévérance et humilité, il m’a fallu du temps pour oser « m’exposer », dans tous les sens du terme. Autodidacte, j’ai compris que cela me devenait nécessaire pour progresser.

Qu’est ce qui vous anime?
Faire un pas de côté, revisiter l’ordinaire, brouiller quelque peu les lignes pour stimuler le regard. Je ne cherche pas à témoigner d’une réalité. Mes photos sont un point de départ, le déclencheur de mon imaginaire.
Ces mots de Susan Sontag résonnent beaucoup en moi :« Au bout du compte, l’image photographique nous lance un défi : « Voici la surface. A vous maintenant d’appliquer votre sensibilité, votre intuition, à trouver ce qu’il y a au-delà, ce que doit être la réalité, si c’est à cela qu’elle ressemble ». Les photographies, qui ne peuvent rien expliquer elles-mêmes, sont d’inépuisables incitations à déduire, à spéculer, à fantasmer. » (Sur la photographie, 1975)
Cette citation a d’ailleurs inspiré le titre de mon exposition « Voici la Surface », avec la volonté de laisser au regardeur la liberté de faire l’autre moitié du chemin.Je n’invente rien. Outre Susan Sontag, d’autres l’ont si bien dit, comme Marcel Duchamp. Bien sûr cela implique un lâcher-prise. Mais c’est aussi une richesse. Je m’étonne encore des histoires étonnantes que mes images ont réveillé chez certains visiteurs.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation ?
Ma démarche artistique est artisanale. Je saisis d’abord les hasards de mon quotidien. Ce sont des moments fugaces que je prolonge en atelier. J’aime l’idée de retrouver la photo brute, sortie de son contexte, pour la faire évoluer, voire la perturber et l’emmener ailleurs. Je m’installe alors dans un temps plus lent, propice au cheminement intérieur et au travail manuel. J’altère la surface. Je joue avec les formes, les couleurs, les matières, les mots Je colle, je superpose, je cache à l’aide d’autres matériaux tels que chutes de papier peint.
Dans ma nouvelle série, plus intime,je relie et mêle mes photographies à des images vernaculaires.  J’y aborde le thème du passé qui, loin d’être figé, peut être rejoué.

Quelle est votre relation avec la commande photographique?
J’ai répondu à des commandes privées. Auparavant, j’associais plutôt le mot « commande » à mes missions de stratégie créative, celles-ci me demandant d’appréhender tant des enjeux corporate que des enjeux de création.
Apporter sa propre vision au sein d’un cadre, embrasser les contraintes, est plus riche qu’il n’y paraît au premier abord. Je le vis comme une sorte de dialogue inspirant.

Je réalise des portraits en creux, à travers un lieu. De la cave au grenier, dans le jardin, je m’imprègne des différents espaces, essayant de déceler ce qui a pu compter, ce qui compte encore. Je photographie des détails, des traces de vie, des objets laissés là, des graffiti sur la pierre, des rais de lumière tombant sur un fauteuil, mais aussi des lignes plus abstraites et mystérieuses. Je procède ensuite à mes recompositions en ajoutant des papiers, photos et souvenirs confiés sur place. Cela confère un caractère symbolique à l’objet final.
Entre présence et absence, c’est un exercice délicat qui porte en réalité sur le lien – celui qui nous attache à un être, à un endroit, à une histoire – et qui s’appuie sur une grande confiance mutuelle entre le commanditaire, le sujet et …moi.
C’est un travail que j’aimerais poursuivre, sachant que chaque expérience est par essence unique.

 Une actualité ?
Après la Bretagne et Paris, ma série « Voici La Surface » poursuit son chemin. Elle est actuellement exposée en Arles dans le cadre du festival Eté indien(s).

 Depuis plus de 20 ans, Karin Hémar accompagne institutions, galeries et entreprises en élaborant avec et pour elles des projets destinés à laisser une empreinte culturelle.
Parallèlement, elle se dévoue à sa propre pratique photographique, et travaille à des compositions associant, voire confrontant ses images saisies au quotidien à d’autres supports, tels que chutes de papier peint ou archives vernaculaires. Sa série intitulée « Voici La Surface » – clin d’œil à Susan Sontag – a été exposée en 2022 en Bretagne, à Paris puis en Arles.
Son activité de conseil se concentre sur la stratégie créative, la communication et la médiation. Photographie, art contemporain, métiers d’art, design et art de vivre sont ses sujets de prédilection, qu’elle aime mêler dans une vision transversale et prospective. Une discipline inspirant l’autre pour donner naissance à des initiatives originales, notamment entre marques et talents d’horizons variés. Journalisme culture et modération de conférences lui permettent aussi de mettre en lumière les acteurs et créateurs du monde des arts qu’elle rencontre.
En tant que commissaire, elle compte à son actif des expositions et évènements conçus ex-nihilo tels que la tournée « Eclats d’enfance » avec 33 photographes, « Jane Birkin célèbre l’Entente Cordiale France-Grande-Bretagne », « Carte Blanche au designer Marc Newson », « Jean-Loup Sieff pour Reporters Sans Frontières », « Cinecittà, Regards croisés », « Art-vidéo, la Chine se filme ».
Elle siège au Bureau des Filles de la Photo, association des professionnelles de la photographie, et a été membre de plusieurs jurys.
Karin a débuté sa carrière à l’international, au sein de grands groupes audiovisuels.

Exposition « Voici la Surface »
Dans le cadre du festival Eté Indien(s)
La Galerie Ephémère
11 rue Jouvène, Arles
du 12 septembre au 2 octobre 2022

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