L’image par l’image a découvert le travail de Marguerite Bornhauser à la MEP en 2019 avec une vidéo très subtile, a suivi son parcours à Paris Photo et dans une exposition collective organisée par son agent parisien autour de sculptures. Quelques unes de ses images sont maintenant accrochées au Café de la musique. L’atmosphère et la palette colorée de la jeune artiste nous entraînent dans des fictions inattendues, entre figuration et abstraction. Son attention aux détails nous fait découvrir des couleurs, des objets ou des formes que nous n’avons pas su regarder.
Nul doute que vous serez aussi émerveillés par ces images avec lesquelles nous vous présentons nos meilleurs vœux pour une poésie au quotidien!
Marguerite Bornhauser a répondu aux questions de l’image par l’image
Quand (et comment) avez-vous commencé la photographie ?
J’ai toujours eu un penchant pour les arts de manière générale que ce soit la musique, les arts plastiques, le cinéma, la photographie ou bien la littérature et j’y ai vu la possibilité d’y trouver mon propre moyen d’expression dès l’enfance. J’étudie d’abord la littérature et le journalisme à l’Université et ce sera une véritable porte d’entrée vers la photographie.
Au moment de choisir un sujet de mémoire nous sommes en pleines révolutions du printemps arabe et je suis frappée par le traitement médiatique iconographique qui en est fait. Je décide de me concentrer sur la représentation de la femme sur les Unes des magazines français lors de la révolution en Tunisie. De Valeurs Actuelles qui titre « La menace terroriste » en représentant une femme en burka jusqu’à Marianne montrant une femme en jupe juchée sur les épaules d’une personne brandissant des slogans révolutionnaires, le traitement de l’image est parfois manichéen et à la recherche de l’effet choc, parfois extrêmement subtile et sensible. Je prends à ce moment là conscience de la puissance narrative mais aussi et surtout subjective et personnelle de l’image propre au photographe et à son regard. Cette prise de conscience est décisive et me pousse à changer de parcours pour devenir photographe. J’intègre cette année-là l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles dont je sors diplômée en 2015.
Qu’est -ce qui vous anime?
Je me sers de la photographie pour m’exprimer de la manière la plus sensible et personnelle possible, avec toutes les singularités qui me constituent : mes étrangetés, mes questionnements. Peut-être aurais-je pu choisir l’écriture, la musique, ou un autre moyen d’expression poétique tant qu’il permet l’évocation, ce qui m’intéresse c’est de porter un regard sur ce qui m’entoure au quotidien de la manière la plus sincère et singulière possible. Je m’en sers comme d’un outil fictionnel et poétique, j’aime sa puissance évocatrice et j’essaie toujours d’éviter les écueils de l’image choc ou percutante. C’est un lieu d’exploration infini des subtilités et des singularités de chacun. Qu’elle soit une image prise sur le vif, mise en scène, retouchée ou non, qu’importe le moyen, j’aime brouiller les pistes entre réalité et fiction, entre figuration et abstraction.
Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques?
Ce qui m’intéresse ce sont les non-événements, les entre-deux, les moments de latence, de contemplation, de rêveries. L’ombre d’une plante sur un corps, le scintillement d’une lumière de fin de journée, les couleurs, la sensualité d’une matière. Je m’intéresse au banal, à l’ennui, au quotidien. Apprendre à revoir avec émerveillement ce qui nous entoure, sans aller chercher plus loin que ce qui s’offre déjà à nous, parler de ce que je connais. Le point de départ de toutes mes séries est toujours quelque chose de proche en opposition assumée à la photographie évènement, au sujet fort ou choc. Chaque série à sa thématique, j’aime aussi mêler des mondes que parfois tout oppose. Sciences, archéologie, littérature, questions environnementales, intimité sont en vrac les dernières thématiques abordées. J’aime faire des recherches, apprendre sur un sujet spécifique en parallèle d’une pratique photographique très libre et instinctive.
Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation?
J’aime explorer les différents processus de création et expérimenter de nouvelles techniques. Récemment par exemple, j’ai expérimenté le photogramme en laboratoire argentique pour un projet carte blanche au Grand Palais mais aussi la vidéo. J’ai récemment réalisé des sculptures photographiques avec la sculptrice Léa Dumayet à partir d’impressions sur plexiglass, sur soie. En ce moment je débute un projet d’images faites au microscope. J’aime tester de nouveaux supports d’impression, m’essayer à de nouvelles techniques photographiques. Mes photographies sont très souvent prises à l’argentique, j’accumule des milliers d’images dont je me sers pour toutes les séries. Ensuite je n’ai pas de processus spécifique de création, il varie beaucoup en fonction des projets. J’aime aussi travailler l’objet du livre et j’ai à ce jour publié 4 livres de différents projets et je m’apprête à publier mon 5ème livre cette année.
Quelle est votre relation avec la commande photographique?
Dès mes débuts en photographie j’ai toujours travaillé en commande en parallèle de mes travaux personnels. J’ai tout de suite commencé à travailler pour les médias en tant que photographe reporter, portraitiste, mais aussi mise en scène. Par la suite, j’ai développé un travail dans le monde de la mode et du luxe. Les deux pratiques se nourrissent et j’ai besoin des deux pour trouver un équilibre. Mon travail personnel nourrit mon travail de commande et vice et versa. Je prend beaucoup de plaisir à sortir de ma zone de confort, à rencontrer de nouveaux univers et explorer des espaces auxquels je n’aurais jamais eu accès sans ce travail de commande. Il nécessite de savoir constamment se renouveler et s’adapter à des situations parfois peu propices, savoir se mettre en danger ou bien trouver de nouveaux chemins.
Des expositions en préparation / des éditions ?/ Sur quoi travaillez – vous en ce moment ?
J’ai en ce moment une exposition personnelle à la Galerie Carlos Carvalho à Lisbonne (qui représente mon travail depuis 3 ans) dans laquelle je présente 5 différentes séries. En février, la galerie me représentera à la foire Arco Madrid et je suis sur le point de sortir mon prochain livre « When black is burned » chez Simple Editions.
A l’heure actuelle, je travaille sur 3 différents projets qui verront le jour cette année. Je suis aussi en résidence pendant 4 ans pour le Grand Palais et je suis l’évolution du chantier de réhabilitation du lieu. Ce projet donnera lieu à un livre et une exposition à la réouverture pour les JO.
Marguerite Bornhauser est une photographe plasticienne née en 1989 vivant et travaillant à Paris. Après des études de lettres et de journalisme, elle intègre l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles d’où elle sort diplômée en 2015. Sa première exposition institutionnelle personnelle se tient à la Maison Européenne de la photographie en 2019.
Son travail est représenté par plusieurs galeries européennes et a fait l’objet de diverses expositions dans des musées, galeries et festivals dans le monde : en France (Paris, Arles, Toulouse, Deauville, etc.) mais aussi à Londres, Bruxelles, Istanbul, Lisbonne, Suisse, Kyoto, Amsterdam, Madrid, au Bahreïn. Elle est également exposée dans l’espace public dans 27 stations du métro parisien en 2020 et sur des panneaux publicitaires aux Etats-Unis avec le Cincinnati Art Museum en 2015. En 2020, elle gagne le prix de la photographe émergente de l’année de Photo London. En 2021, le Grand Palais lui donne carte blanche pour poser son regard sur le chantier de rénovation pendant les 4 ans que vont durer les travaux qui donneront lieu à une publication ainsi qu’a une exposition. En 2022 elle est sélectionnée par l’invité d’honneur de Paris Photo ainsi que par BMW.
Marguerite Bornhauser accompagne le plus souvent sa recherche photographique d’un travail éditorial. Son premier livre en auto édition, Plastic Colors, a été sélectionné en 2015 parmi les 10 finalistes du First Book Award par la maison d’édition MACK. Il est édité en 2017. Son second livre 8 est publié aux éditions Poursuite l’année suivante. En 2019, elle publie son troisième livre Red Harvest chez Poursuite également. Elle édite son quatrième livre aux Editions La Martinière en 2021 et s’apprête à publier son cinquième livre When Black is burned en 2023 avec Simple Editions. Elle est également représentée en commande mode, luxe et carte blanche pour les marques par Florence Moll – FMA le Bureau en France et Pleat en Angleterre.
Les images présentées sont issues des séries When black is burned et Etoile Rétine, ainsi que de la plus récente We are melting. Le diptyque fait partie de Etoile Retine.
http://margueritebornhauser.com/
Galeries :
Suisse & Pays-Bas- Bidahalle
https://www.bildhalle.ch/en/
Portugal Carlos Carvalho
https://www.carloscarvalho-ac.com
Agents :
France- Florence Moll / FMA le bureau
https://fmalebureau.com
UK- Pleat
https://pleatartists.com/