Carte blanche

Carte Blanche à Nicolas Krief

Nicolas Krief aime l’envers du décor.
Sur Instagram, il est « basckstage « dans les expositions parisiennes et c’est très réjouissant. Amusant, anecdotique mais aussi profond sur la relation de ces hommes et femmes qui accrochent les oeuvres avec tant d’attention et de  précision. A leur tour ils animent des scènes et font vivre la peinture et la sculpture. La production artistique est devenue objet de culte, les expositions des grand messes. Les accrochages sont des moments tenus secrets du public. Commissaires d’exposition, conservateurs, installateurs, socleurs, convoyeurs, restaurateurs, métiers de la monographie, scénographes, menuisiers, vitriers, gardiens de salle, régies des musées sont les acteurs de ces scènes liturgiques auxquelles nous fait assister Nicolas Krief dans les photographies de la série qu’il a initiée en 2010, dans une vingtaine d’ expositions parisienne.
« La photographie est une écriture » cite Nicolas Krief, « c’est assurément un langage ». L’image par l’image vous invite à le découvrir dans cette Carte blanche.

Nicolas Krief a répondu aux questions de l’image par l’image 

Quand et comment avez-vous commencé la photographie ?
Tôt !  A 13-14 ans je chinais les numéros du Magazine Photo aux marchés aux puces parisiens. Ce sont ces 200 premiers numéros de Photo (que j’ai toujours) qui ont forgé ma première culture photographique.
A 15 ans j’empruntais à mon père son Asahi pentax et son agrandisseur Krokus, et je prenais mes premières images, et ratais mes premiers tirages.
A 17 ans je m’offrais un reflex Pratika avec ma première paie d’été, que je troquais après quelques mois pour un Nikon FM, que j’ai toujours.
Et puis après des études d’Histoire, j’ai suivi une première voie professionnelle, heureuse, dans les nouveaux médias, et la photo restait une pratique personnelle. Mais en 2005, j’ai fait le choix de me consacrer exclusivement à la photographie. Je suis autodidacte.

Qu’est ce qui vous anime ?
A 20 ans, je découvrais avec les Mythologies de Barthes la possibilité d’une autre intelligence des signes de notre temps. La photographie telle que je cherche à la pratiquer prend du sens dans la mesure où elle contribue à cette meilleure intelligence du réel… en m’offrant simultanément un biais par lequel appréhender ce réel.
Le photographe américain Garry Winogrand a dit tout ça en un raccourci réjouissant qui m’accompagne souvent lorsque je photographie : « Le fait de photographier une chose change cette chose. Je photographie pour découvrir à quoi ressemble cette chose quand elle est photographiée. »
Formellement, j’aime la réécriture romanesque que permet la photographie des moments et situations et des expressions les plus triviales.

Comment en êtes-vous arrivé à réaliser ce travail sur le montage des grandes expositions ?
En 2010, le journal Le Monde me commande le portrait d’un des commissaires de la rétrospective Monet organisée au Grand Palais : la RMN me propose alors une carte blanche pour en suivre l’accrochage. Cette première carte blanche a conduit à d’autres, avec la RMN, puis, lors d’une longue et riche collaboration, avec le musée d’Orsay.

 Racontez-nous vos « Accrochages »
L‘extrême prévenance pour les œuvres, la technicité et la précision des gestes, donnaient une évidente théâtralité aux scènes auxquelles j’assistais.Plus encore, cette théâtralité, parce qu’elle était très codifiée, prenait les traits d’une véritable liturgie : des objets précieux et admirables, manipulés selon des règles et des procédés strictes pratiqués selon une ferme répartition des rôles par des spécialistes : j’ai eu très vite le sentiment qu’une véritable religiosité animait ces moments. La question de notre rapport à l’objet de musée m’apparaissait rapidement central, et mon regard s’est rapidement orienté ; Je voyais clairement s’opérer un phénomène de transsubstantiation : le musée intronisait l’objet exposé, comme objet culte, comme œuvre d’art ou de pop’art. Ainsi il m’est vite apparu que se jouait dans ces installations notre rapport à l’Art, au Sacré, un sacré toujours aussi prégnant dans notre monde sécularisé.

Pouvez-vous nous éclairer sur la façon dont vous travaillez sur ces chantiers d’installation ?
J’ai joui et je jouis encore d’une très grande liberté. Les motivations des musées concernés sont de disposer d’un travail d’artiste, d’un travail testimonial à verser aux archives de l’institution.
Ces accrochages constituant la partie finale de la production d’une exposition, ils se déroulent sur deux, trois semaines. Ces images sont donc le résultat de moments d’immersion : immersion dans un même lieu, immersion parmi un groupe constitué pour l’occasion.
Mes images, comme toute ma production documentaire, sont des instantanés. Pas de pose ni de mise en scène, pas d’éclairage d’appoint.

Vous répondez aussi à des commandes, quelle est votre relation avec cette pratique ?
Je vis la commande comme parfaitement complémentaire de mon travail personnel, et travaille avec la même tension. Elle impose un cadre de contraintes propre à chaque projet, qui aiguillonne le regard sans m’empêcher de laisser s’exprimer « ma» photographie.
Concrètement, pour parler d’ « Accrochages », je poursuis mon travail dans les musées dans le cadre de commandes de journaux et magazines, et de commandes corporate (événements culturels ou dans le domaine du luxe, visites privées,…) et d’institutions muséales (rencontres du public avec des œuvres, photos d’architecture, de scénographie,…)
Depuis le poste d’observateur qui est le mien, j’ai le sentiment que les décideurs sont encore nombreux dans les Institutions publiques et privées à considérer (à juste titre selon moi…) la photographie comme un vecteur de communication inégalé.

Qu’allez-vous faire de cette somme d’images ?
Je ne me lasse pas du sujet, et je crois aux vertus de la persévérance en matière de photographie documentaire : revenir à l’ouvrage encore et encore. Je la poursuis donc avec l’envie d’en faire un livre… et une exposition.

Quels sont vos autres projets ? / Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Outre mon travail de commandes et mes immersions dans les coulisses des musées, je poursuis une monographie sociale et culturelle du monde rural en Sarthe : « Jours de fête » Je m’intéresse aux moments de sociabilité en milieu rural, à la culture qui s’y déploie – indépendante de la culture dominante sans pour autant s’ériger en contreculture – et aux enjeux sociaux locaux qui se jouent avec et durant ces moments.

 

Nicolas Krief vit à Paris, Il est  diplômé d’un troisième cycle d’histoire contemporaine.
Il collabore avec la presse nationale, pour laquelle il couvre des sujets sociaux, culturels, et économiques. : Le Monde, Paris Match, Ideat, Figaro Magazine, Télérama, … Comme photojournaliste, il est membre de Divergence Images.
Son travail a été montré dans plusieurs expositions:
« Le Voyage d’Olympia » (l’Olympia de Manet) – Exposition collective sur le thème du Voyage à l’abbaye de l’Epau, au Mans en 2016.
« Le Voyage immobile »  – Exposition collective sur le thème du Voyage à l’abbaye de l’Epau, au Mans en 2015.
« Accrochages » KAUNAS PHOTO festival, à Kaunas, Lituanie  en 2014.

http://www.nicolaskrief.com
https://www.instagram.com/nicolaskrief/

 

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