Coup de coeur pour le festival VISA POUR L’IMAGE

. © Alejandro Cegarra

Nous avons un chance inouïe: vivre en démocratie et Visa pour l’image en est une preuve évidente ! Cette 36ème édition – une première pour  l’image par l’image – permet de constater, une fois de plus, que le monde de la photographie, riche et multiple, propose une lecture du monde sans cesse renouvelée : 26 expositions  de photojournalistes de toutes nationalités et six soirées de projections. Pas de thème particulier pour ce festival qui regarde l’actualité du monde entier, ses conflits, ses révoltes, ses violences, ses guerres mais  aussi les crises sociales et  climatiques, les sujets de société comme les Jeux Olympiques et des hommages à des personnes exceptionnelles du monde de la photographie.
Choisis par des jurys de professionnels, ces  témoignages qui informent et alertent nous permettent de regarder, d’analyser, de comprendre les différents sujets, d’en débattre, de confronter nos points de vue, les commenter, évoluer dans nos idées grâce au courage et à l’engagement de ces témoins inlassablement engagés, souvent au péril de leurs vies.
Comme le dit le nouveau président du festival, Pierre Conte: « Début septembre, la ville de Perpignan devient la capitale de ce métier « légendaire », celui du photojournalisme. »
Son directeur, Jean-François Leroy, le défend avec constance et acharnement depuis de nombreuses années, attentif à aborder toute l’actualité, lors des expositions et des projections en assumant les choix éditoriaux des sujets y compris lorsqu’ils sont polémiques.
L’image par l’image propose, de façon tout à fait subjective, quelques images parmi les sujets proposés, et ne peut que vous recommander d’aller toutes les voir à Perpignan d’ici le 15 septembre.

 

Des femmes venues soutenir la candidature de l’ancien Premier ministre Mir Hossein Mousavi lors d’un meeting. Téhéran, Iran, 9 juin 2009. © Alfred Yaghobzadeh

Alfred Yaghobzadeh, grand reporter de guerre réalise ses premières photos sur les événements tragiques que traverse son pays, l’Iran, lorsque la révolution islamique éclate en 1979. il consacre dès lors sa vie à couvrir les grands drames humains de notre époque.
Cette exposition présente des photos extraites du livre Alfred’s Journey, qui retrace près d’un demi- siècle de grands reportages pour préserver une partie de la mémoire du monde. Entre horreur est beauté de certaines images, une vie de documentation sur les conflits et les révolutions la violence et la folie des hommes sans limites.

 

Un migrant sur un train de marchandises appelé « La Bête » à son arrivée en ville. Piedras Negras, Mexique, 8 octobre 2023.
© Alejandro Cegarra

« Emigrer c’est comme se séparer en deux, c’est comme laisser un pied dans le pays que l’on a quitté et l’autre dans l’incertitude » dit Alejandro Cegarra. Cette image exprime très fortement cette idée développée dans la série Les deux murs. Depuis 2019, les politiques migratoires du Mexique ont radicalement changé.  Nation historiquement ouverte aux migrants et demandeurs d’asile à sa frontière sud, le Mexique applique désormais des mesures d’immigration draconiennes. Des barrières ont été dressées pour durcir les politiques migratoires, fermant des portes autrefois ouvertes à ceux qui en ont le plus besoin. Cette image est particulièrement expressive.

 

Foyer des comédiens, juste avant d’entrer en scène pour La Mort de Danton, de Georg Büchner, mise en scène de Simon Delétang.
© Jean-Louis Fernandez

Jean-Louis Fernandez est passionné par le spectacle vivant. La Comédie-Française lui a ouvert ses portes pour qu’il pose son regard sur la vie de sa Troupe née en 1680 et toujours en ébullition. Avec son exposition « Comédie française : histoires de théâtre« , il nous offre un témoignage formidable sur le processus de création, des premières répétitions jusqu’à la naissance du spectacle, du plateau aux coulisses et aux loges. Un témoignage sur ces temps supendus, captés avec pudeur, hors des regards des spectateurs. Le choix des situations, les cadrages et les lumières subliment les personnages entre réalité et fiction.

 

L. (12 ans, à droite) avec sa sœur C. (9 ans) qui n’a pas encore de « vrai » smartphone mais peut faire semblant grâce à des appareils factices de constructeurs chinois de smartphones.
© Jérôme Gence

Avec « Grandir dans la cour d’écrans », Jérôme Gence plonge dans le quotidien des enfants dont le temps quotidien d’exposition aux écrans a explosé depuis la crise sanitaire. La généralisation du télétravail et des cours en ligne, la numérisation des rapports humains et des divertissements en sont les principales causes. Pour ces jeunes ultra-connectés, cette évolution n’est pas sans conséquence sur leur santé, leur développement psychique et leur sécurité face notamment aux risques de cyberharcèlement et de mauvaises rencontres.

 

Kebedesh (38 ans) et sa fille (11 ans). Elles ont été attaquées chez elles au Tigré le 28 décembre 2020 par quatre soldats érythréens qui ont violé Kebedesh et jeté de l’eau bouillante sur sa fille pour qu’elle arrête de crier. Adwa, Tigré, Éthiopie, 23 décembre 2023.
© Cinzia Canneri, Lauréate du Prix Camille Lepage 2023

Le corps des femmes comme champs de bataille

Cinzia Canneri documente la question de l’atteinte systématique au corps des femmes dans la guerre et s’est concentrée sur la guerre du Tigré qui a éclaté en 2020.
Les experts en droits de l’homme des Nations unies ont accusé toutes les parties impliquées dans ce conflit d’atrocités, dont certaines qualifiées de crimes contre l’humanité. Les forces armées érythréennes ont utilisé les violences sexuelles comme arme de guerre contre les femmes, punissant les Erythréennes pour avoir fui leur pays, et cherchant à exterminer les Tigréennes. Le titre de l’exposition dit toute l’épouvante du sujet que la photographe réussit à traiter avec une telle humanité….  qu’elle nous permet de regarder … leurs corps sont devenus des champs de bataille.

 

René, éleveur à la retraite, vivait dans des conditions extrêmement difficiles. Il a vécu l’appauvrissement progressif de sa profession et savait que son monde était en train de disparaître. Puy-de-Dôme, 2016.
© Pierre Faure / Hans Lucas

Le titre France périphérique fait référence au livre très commenté du géographe Christophe Guilluy. Le photographe, Pierre Faure, a documenté la pauvreté en France depuis 2015 et nous propose ce corpus intense. Il a consacré entre douze et dix-huit mois à chaque région; une durée qui lui permet d’établir des relations de confiance avec les personnes. La rencontre de l’autre y est essentielle.  Sa matière photographique est la condition humaine et c’est là qu’il nous touche profondément. La série a reçu le Visa d’or des Solidarités

 

Mayotte. Moissi (22 ans), sans travail depuis qu’il a obtenu son bac, a souhaité faire le service militaire adapté (SMA) pour pouvoir passer son permis poids lourd, formation qu’il n’aurait jamais eu les moyens de financer lui-même.
© Miquel Dewever-Plana

Miquel Dewerre-Plana a documenté, pour le Figaro magazine, le régiment du service militaire adapté (RSMA), un dispositif de l’armée française réservé aux Outremers, et créé en 1988 à Mayotte. Ce sujet Mayotte: sous le drapeau, le parcours de la deuxième chanceplutôt optimiste, nous informe de ce dispositif qui permet de lutter contre l’échec scolaire et le taux record d’illettrisme qui réduisent drastiquement les opportunités de s’en sortir. Plus d’une vingtaine de formations sont ainsi proposés dans des métiers particulièrement recherchés à Mayotte, allant des métiers du bâtiment ou de la sécurité au transport routier, en passant par la restauration, l’administration, ou encore la menuiserie et la métallerie.

www.visapourlimage.com

 

Deux lauréates pour l’édition 2024 des Rencontres photographiques de Boulogne-Billancourt

Anais Tondeur

 

 

 

 

[Khatastyr, Yakutia, Russia]
Natalya Saprunova

Les deux lauréates des Rencontres Photographiques de Boulogne-Billancourt (RPBB) 2024 ont été désignées par le jury:
 Anaïs Tondeur, est récompensée pour son travail Noir de Carbone par lePrix RPBB 2024 d’une valeur de 6000 euros et Natalya Saprunova, Prix du Public RPBB en partenariat avec la ville de Boulogne-Billancourt pour sa série, Evens, gardiens de richesses yakoutes.
Elles  bénéficieront d’une exposition publique de leur travail à Boulogne-Billancourt cette année.

Anaïs Tondeur

Le noir de carbone est une forme collatérale de suie, utilisée depuis des siècles dans la fabrication de l’encre de Chine.
Ne connaissant aucune limite géographique, elles pénètrent également l’intérieur de nos corps, déclenchant selon l’OMS plusieurs millions de décès par an.collectées dans le ciel photographié, révélant, selon les variations de noirs de l’image, le volume de particules présent dans le ciel. Ainsi, dans une forme de Deep mapping, elle a pisté le déplacement de l’un de ces flux invisibles à partir de l’une des îles les plus reculées d’Europe. Chaque photographie est tirée, en partie, avec les particules de noir de carbone, issues principalement de la combustion incomplète d’hydrocarbures et collectées dans le ciel photographié, révélant, selon les variations de noirs de l’image, le volume de particules présent dans le ciel.

Anais Tondeur est diplômée de la Centrale Saint Martin (2008) et du Royal College of Arts (2010) à Londres,; elle ancre sa démarche dans la pensée écologique. Développant une pratique interdisciplinaire, elle recherche par un travail sur l’image d’autres conditions « d’être au monde »
Son travail s’expose dans des institutions internationales telles que le Centre Pompidou (Paris) La Serpentine Gallery (Londres) ou encore le pavillon français de la Biennale de Venise.

 

Natalya Saprunova

Evens, gardiens de richesses yakoutes.
Éleveurs de rennes, chasseurs de tradition, les Evenks, présents aux quatre coins de laRussie  connaissent tout de cette grande forêt froide. Nomades, ils ont gagné le surnom d’«aristocrates de Sibérie » en conduisant leurs troupeaux avec dignité, noblesse, aisance et courage. Le costume officiel des hommes, semblable à une queue-de-pie, leur a même valu le surnom de « Français de la forêt ». Mais en Iakoutie, là où le paysage est parsemé de mines d’or et de diamant, ce peuple autochtone se sent coupable d’avoir un jour « guidé » les Soviétiques dans leurs prospections souterraines, jouant le rôle de mushers (conducteur de traîneau à neige tiré par un attelage de chiens) pour les géologues à qui ils ont appris à survivre dans un climat rude.

La Russie est actuellement le troisième producteur d’or, tandis qu’un diamant sur trois extraits dans le monde provient de Yakoutie. Tant bien que mal, les Evenks cohabitent avec les industriels qui exploitent leurs terres sacrifiées sur l’autel de la croissance économique:  taïga massivement abattue,  lits des rivières saccagés, nappes phréatiques polluées, expertises ethnologiques en prévention de chaque chantier  trop rares, alors que la loi l’exige systématiquement. Les Evenks espéraient un meilleur lendemain pour leurs enfants, et ce d’autant que le permafrost se met à fondre sous leurs pieds.La préservation des milieux naturels est pourtant la priorité des Evenks. Sans les rennes et l’environnement qui les nourrit, ils ne pourront plus exister en tant que peuple. Mais qui mieux qu’eux saurait prémunir la planète des bouleversements climatiques ?

Natalya Saprunova est  née à Mourmansk dans la région arctique de la Russie. Installée en France depuis 2008 , la photographe documentaire est basée à Paris. Membre de l’agence Zeppelin, elle est diplômée en photojournalisme à l’école des métiers de l’information EMI-CFD(Paris).  Elle explore les problématiques de la société moderne liées à l’identité, l’intégration, le changement climatique, la jeunesse, la féminité et la spiritualité.

 

Les Rencontres Photographiques de Boulogne-Billancourt (RPBB)

Co-fondée par Jean-Pierre Colly et développée avec Dominique Charlet, Francisco Aynard et Charlotte Flossaut, sous l’impulsion de Ferit Duzyol, son président,  l’Association,  culturelle Rencontres Photographiques de Boulogne-Billancourt (RPBB) a pour objet depuis 2022 de contribuer à la promotion du regard documentaire; elles  visent à mieux connaitre et apporter des clés de compréhension de notre monde, riche de la diversité de ses cultures et de la variété des réponses apportées aux multiples défis de nos sociétés. Elles s’inscrit dans la continuité de l’histoire et de la place que la photographie a toujours eu dans la ville de Boulogne-Billancourt.

Trois temps se succèdent :   1032 lectures de portfolios ont été données  par 67 experts où photographes et experts rencontrés en novembre, deux remises de Prix et un programme d’exposition dans l’année.

Le Grand Jury RPBB des experts sous la présidence de Laurent Bignolas et le Prix du Public RPBB de Boulogne-Billancourt se sont réunis les  28 février et le 19 mars, pour  distinguer 10 finalistes auteurs de sujets photographiques très engagés :
Brahim Benkirane  & Alexandre Chaplier, Lee Daesung, Bastien Deschamps, Guillaume Holzer, Richard Pak, Natalya Saprunova, Alain Schroeder, Byron Smith, Anaïs Tondeur, Lorraine Turci.
Les prochaines Rencontres Photographiques de Boulogne-Billancourt auront lieu les 8, 9, 10 et le 11 Novembre 2024.

Pour plus d’informations :

www.rpbb.fr.

contact@rpbb.fr

Carte blanche à Mélanie Challe

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Melanie Challe vient de la danse, elle se concentre sur le sensible, le langage du corps.
Ce qui l’intéresse c’est la nature et le corps en mouvement. Passionnée  par  le corps en mouvement et le vivant, l’artiste exerce une pratique artistique décloisonnée en croisant techniques photographiques anciennes et contemporaines, encre, gravure, son et vidéo, matières et textures. Sa recherche des analogies entre l’être humain et la nature, qui se rencontrent à la jonction de leurs fragilités respectives, est incessante.
Ses images reflètent un sens aigu de la composition et  dégagent une poésie sensible qui incitent à la méditation.
Que demander de plus pour aborder une année 2024 que l’image par l’image vous souhaite d’aborder de la façon la plus apaisée possible …

Mélanie Challe a répondu aux questions de l’image par l’image 

Quand (et comment) avez-vous commencé la photographie ?

J’ai débuté la photographie au club photo de mon collège. Mon professeur d’arts plastiques me laissait faire du développement noir et blanc durant une grande partie des cours. A l’époque, je réalisais principalement des portraits et des photogrammes. Après des études de marketing, j’ai commencé à exercer la photographie en tant que professionnelle en Australie, en assistant des photographes tout en suivant des cours.

 

 

 

 

 

 

Qu’est-ce qui vous anime?

Beaucoup de choses ! Je suis très curieuse. Les différentes formes de langage m’intéressent qu’elles soient verbales ou gestuelles, conscientes ou non conscientes, visuelles ou sonores…
La photographie me permet d’exprimer mon rapport sensible et poétique au monde. Pour autant, je poursuis une démarche pluridisciplinaire avec la vidéo, le son, l’encre sur papier ou encore la gravure afin de restituer cette poésie. Je viens de la danse et je me suis formée au yoga en tant que professeur. Pour moi, le langage corporel comme la photographie disent beaucoup de nous. Allier pratique corporelle et artistique a toujours nourri mon travail de façon intuitive jusqu’au jour où j’ai passé un master Artenact qui, en introduisant les connaissances en neurosciences, a donné du sens et de la légitimité à ma démarche.

 

 

 

 

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques ?

Les sujets s’imposent à moi selon ce que je vis et ce que notre société traverse. Cela n’est pas forcément mis en avant dans mes séries mais pour autant cela fait partie de mes réflexions.
La frontière entre figuration et abstraction est essentielle. Mon travail repose d’abord sur la ligne et la matière qui sont à l’origine de tout ce qui constitue le vivant. Je m’intéresse sans cesse aux analogies entre nature et corps humain, deux mondes fragiles que malheureusement, nous écoutons trop peu et qui me fascinent par leur beauté et leur intelligence.

Quel est votre processus de création et sa réalisation ?

Il y a en général un élan intérieur sans trop savoir où il va me mener. Quelque chose d’Intuitif, telle une rencontre. Pour chaque sujet que je traite, je choisis le médium et la forme qui correspond le mieux. J’ai une temporalité assez lente entre la prise de vue et la finalisation du projet. J’ai besoin de laisser reposer mes photographies.
La matérialité du travail tient une place essentielle dans mon processus de création. Par exemple, le projet d’installation notre corps ne ment jamais présente des tirages sur voilage grand format. Cela a été pour moi très inspirant de me détacher des murs et de penser l’ensemble de l’espace. Une expérience que j’espère poursuivre. Je travaille sur des formes et supports très différents qui peuvent aussi être un papier fait main ou de la gravure. Malheureusement, c’est toujours très difficile à restituer en format numérique.

Quelle est votre relation avec la commande photographique ?

Mon travail de commande fait partie de mon quotidien et de mon équilibre économique pour financer mes recherches. J’ai la chance que mes commandes soient souvent en lien avec les sujets que j’aborde et que j’aime : des portraits, des photographies de danse, de recherche scientifique, de parasport….  Les deux se nourrissent mutuellement.
J’anime aussi des ateliers de médiation culturelle autour de la lecture d’image et du handicap essentiellement auprès des enfants. Depuis deux ans, j’interviens également auprès d’adultes chercheurs ou enseignants pour proposer des ateliers de photographie autour de la reconnexion à soi et au vivant. Ces moments sont très riches dans les échanges et ouvrent un espace sensible et réflexif. Ces temps de partage sont pour moi essentiels.

 

Quelles sont vos actualités  ?

Je viens de terminer une série que j’espère pouvoir présenter en 2024. Un dialogue peau à peau avec le végétal et le minéral, construit comme un poème visuel. J’y célèbre à la fois la beauté et la vulnérabilité de notre existence commune, corps et nature.
Pour la 2ème fois, j’ai rejoint le collectif du Cercle de l’art, regroupant un réseau de 102 femmes artistes dont les œuvres sont payables en 12 mensualités. Ce projet collectif, solidaire, m’a beaucoup apporté tant humainement que professionnellement.
Enfin, je suis plus que jamais impliquée dans mes ateliers de médiation, notamment avec l’arrivée des jeux paralympiques.
En février 2024, je vais exposer la série La grâce du geste au Forum des images et début mars, l’installation Notre corps ne ment jamais au festival Confrontation à Gex.

@Nadine Jestin

Qui est Mélanie  Challe ?

L’artiste vit et travaille à Montpellier, développant en parallèle projets personnels, travaux de commandes et actions pédagogiques. En 2021, elle est diplômée du master Art’enact, une formation transdisciplinaire mêlant pratique artistique, action pédagogique et neurosciences.
En 2021 et 2023 elle suit des workshop avec Carlos Barrantes et Laurent Lafolie.
Sa série La grâce du geste a été exposé  plusieurs fois depuis 2009 dont en 2019 à la mairie de Maisons Alfort, et  à la mairie du Xè en 2017.
Elle a participé à plusieurs expositions collectives organisée par la Galerie Hegoa et la Polka factory avec des images des séries Notre corps ne ment jamaisEntre ciel et terre  et Chemin de vie.

L’image par l ‘image a rencontré Mélanie Challe lors d’un Tête-à-Tête
organisée galerie Les Filles du Calvaire par Les Filles de la Photo

www.melaniechalle.com

Instagram : melaniechalle

 

Carte blanche à Céline Alson

Alice se leva et s’éloigna. Elle remarqua que l’un des arbres était pourvu d’une porte qui permettait d’y pénétrer. « Voilà qui est fort curieux ! » pensa -t-elle « mais qu’est-ce qui n’est pas curieux aujourd’hui? »
Céline Alson est une artiste plasticienne qui utilise la photographie.
Elle décale le regard, brouille les pistes et la série Alice, découverte lors d’un Tête-à Tête des Filles de la Photo avant l’été, en est une preuve flagrante. Son travail mêle des recherches sur la chimie et la matérialité, des manipulations et des expérimentations mais aussi des installations comme autant d’expressions créatives (ou) comme autant d’extensions de la photographie. Elle aime dérouter et cela nous attire dans ses différentes séries.
L’image par l’image vous invite à vous perdre, entre réalité et fiction, dans l’univers de l’artiste.

Celine Alson a répondu aux questions de l’image par l’image

Quand (et comment) avez-vous commencé la photographie ?
A la fois depuis toujours – j’ai eu mon premier appareil très jeune et puis sur le tard – quand j’ai souhaité changer de vie et en faire mon métier. Je me suis alors inscrite dans une école de photographie professionnelle et aux beaux-arts.
La photographie c’est pour moi un mélange d’ attention au monde, de plaisir à être capable de « produire » des images et de « manipuler » la représentation du réel, et aussi de grande liberté.

Qu’est -ce qui vous anime?
La curiosité : pour les gens, pour l’histoire sociale, pour le monde tel qu’il va.
Et apporter du rêve – un regard décalé, de la poésie – pour nous préserver de la réalité.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques?
L’idée d’une série part presque toujours d’une impression d’absurdité –  d’un contraste incongru :  se croire dans des cartes postales vivantes des années 70 dans certaines stations de sport d’hiver ; le désenchantement total du Château de Versailles envahi par les touristes ; le contraste entre le costume strict et noir au bureau des executive women et la couleur et le bazar intégral de leur vie personnelle lorsqu’elles sont mères de famille nombreuse en réalité. …
Bien sûr j’aborde des sujets qui me touchent personnellement : les femmes, l’enfance, l’évolution de notre société et ce qu’elle fait de nos espaces.
Mais sur le fond, je réalise que je ramène toujours ces sujets à la question du cheminement, personnel ou collectif – à notre espace-temps, unité de lieu et voyage dans le temps, ou l’inverse – serais-je dans une métaphore de la vie ? – ce qui nous ramènerait à la première question et à ce choix de devenir photographe.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation?
J’aime expérimenter, inventer de nouvelles formes qui collent avec le sujet – une hybridation entre mes formations d’ingénieur et des Beaux-Arts? Certainement en lien en tous cas avec ma curiosité évoquée!
Pour mes Im-Mobiles, je construit des mobiles transparents à partir de mes photographies que je filme et re-photographie ou que je présente ensuite sous forme d’installation.
Pour la série Alice, j’ai revisité l’heliogravure, en hommage au texte illustré original. J’ai expérimenté de nombreuses plaques et de nombreuses encres car je voulais un résultat à la fois ancien, moderne, et précieux !
C’est une volonté de ma part de brouiller les pistes sur ce que l’on voit, sa nature, sa datation, et de superposer les strates. C’est une envie d’être dans la matérialité, de manipuler l’image artisanalement. C’est ma manière d’agir, ma contribution au monde aujourd’hui.
Mais j’aime encore énormément la « pure » photographie, c’est pourquoi je m’attache à toujours en laisser paraître dans mes projets.
L’inconvénient de tout cela, c’est que cela requiert beaucoup de temps : entre les essais ratés, la mise au point du process et l’exigence sur le résultat final.

Quelle est votre relation avec la commande photographique?
J’ai toujours plaisir à retrouver le monde de l’entreprise, dont j’ai fait partie durant plusieurs années. Ce sont souvent de belles rencontres, car lorsque l’on arrive en tant que photographe, on offre une forme de parenthèse propice aux échanges.
Et puis mon âme de plasticienne trouve belles les infrastructures industrielles, avec leurs matières, leurs lignes, leurs couleurs !
Enfin c’est pour moi l’équilibre économique qui me permet de me consacrer par ailleurs à mes séries personnelles et de financer mes expérimentations.

Des expositions en préparation / des éditions ?/ Sur quoi travaillez – vous en ce moment ?
Après avoir beaucoup exposé, et publié aussi, l’année dernière, je me consacre cette année à la fois à des appels à candidature, et à de la production, même si je souhaite à « Alice » d’être encore exposée.
J’ai trois projets personnels, chacun avec une matérialité différente, qui avancent en parallèle.
Par ailleurs les appels à candidature sont importants à mon sens, car ils permettent, s’ils aboutissent, de travailler moins seule, dans une dynamique plus collective.

 

©Valeria Faillace

Après plus de 15 ans d’une carrière commencée comme ingénieur dans le monde de l’entreprise, Céline Alson choisit de se consacrer entièrement aux arts visuels.

Elle se forme en 2016 au Speos International Photographic Institute à Paris, puis aux Beaux-Arts de Versailles et expose rapidement en parallèle au Centre d’Art Contemporain de Briançon, aux Nuits de la Création de Versailles, et comme artiste en résidence au Photo Festival Baie de Saint Brieuc.

Elle continue aujourd’hui à explorer son thème du cheminement, de notre relation à l’espace-temps, alliant photographies, gravures, installations et vidéos.

 

Son livre Alice en auto édition est en vente en ce moment à la librairie d’Initial Labo à Boulogne. Il a été présenté également au rayon poésie dans d’autres librairies, tout un programme pour brouiller encore les pistes.

 

 

https://celinealson.com/

 

 

Carte blanche à Camille Guichard, photographe écrivain

L’image par l’image propose une rencontre avec un artiste passionné de peinture et de sculpture, mais aussi  d’architecture, de théâtre, de danse,  il écrit des fictions et réalise des documentaires de création. La photographie fait partie de sa vie depuis longtemps et devient une pratique à part entière  depuis quelques années. Commençant maintenant à montrer ses premières séries, l’auteur a accepté de se livrer un peu et nous dévoile quelques images de sa série « Il regardait sa femme comme si elle était son amante  » avant même sa première exposition.

Camille Guichard a répondu aux questions de l’image par l’image

Quand (et comment) avez-vous commencé la photographie ?
L’image et l’écrit ont toujours été présents dans ma démarche artistique et intimement liés. Je réalise des documentaires de création (James Ellroy, Louise Bourgeois, Duane Michals pour ne citer qu’eux) et parallèlement j’écris des scénarii de fiction et des romans. La photographie m’accompagne depuis mon adolescence, et date du jour où mon père m’a offert son appareil photo. En quelque sorte la photographie m’a précédé, puis m’a accompagné pour devenir aujourd’hui ma principale démarche artistique avec l’écrit.

Au départ, j’ai appris la technique par moi-même, en me focalisant sur des prises de vue des quais du port de commerce à Nantes. Le décor avec ses grues métalliques, ses empilements de troncs d’arbres exotiques, ses bateaux amarrés en file indienne, a été mon lieu d’apprentissage. Là, j’ai exploré la lumière et le cadre, le tirage argentique dans le laboratoire d’un ami. Les techniques évoluant, je me suis tourné vers le numérique, aussi bien en photo qu’en film…

Qu’est ce qui vous anime ?
La nécessité d’explorer un sujet fait partie intégrante de moi,  belle endormie qui soudain se réveille. Le dialogue peut alors commencer. Les idées fusent : il s’agit d’expérimenter, de tenter, de raturer et de recommencer. Choisir les bonnes photos, pour enfin maîtriser la série. Je travaille souvent sur plusieurs sujets en même temps, chacun d’entre eux avançant à son rythme propre. C’est parfois frustrant par manque de temps, alors je joue à l’équilibriste. Mais travailler sur plusieurs séries me permet d’avoir du recul sur leur réalisation et de ne retenir que  l’essence même du sujet. Il arrive qu’un projet nourrisse l’autre ou l’anihile. C’est un peu la même chose en fiction : deux personnages peuvent finalement se fondre en un seul.

Comment choisissez-vous vos thèmes photographiques ?
Le corps et la nature sont mes principales sources d’inspiration liés à la passion, au désir, à la disparition, à l’altérité, au rapport à l’espace. Pour Ces rivages perdus, la série sur l’érosion du littoral (initiée lors de la Masterclass l’Oeil de l’Esprit), je parle de notre propre disparition à travers la destruction d’une forêt en bordure de mer, ravagée par les vagues et les tempêtes. Avec Il regardait sa femme comme si elle était son amante, il s’agit de la transformation du corps, d’amour et d’épuisement. Plus récemment sur Deux ou trois choses que je sais de vous, une série conçue et réalisée à l’hôtel Ryad à Marseille, la fiction se mêle à la réalité. J’aborde les clients et leur demande de me laisser entrer dans leur chambre pour les photographier, retenir un moment de leur intimité et de leur passage dans ce lieu. Une fois la prise de vue terminée, je demande à chacun, un mot, une phrase qui caractérise ce moment. À partir de là, j’écris une courte fiction. Une manière de retranscrire les sensations que j’ai ressenties au cours des séances photographiques, de dire que l’intimité est celle que l’on veut bien dévoiler, elle peut être apparente, trompeuse, mystifiée, voire mise en scène.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre processus de création et leur réalisation ?
Pour moi, la photographie est un exercice qui s’apparente à la performance. Je  photographie jusqu’à épuisement. C’est physique. Dans ma série sur la disparition du littoral, j’ai arpenté pendant un an la même zone du territoire, la pointe sud de l’île d’Oléron, là où l’érosion est la plus forte d’Europe. Je l’ai exploré dans ses moindres recoins, revenant photographier les arbres, abîmés, arrachés, à moitié ensevelis, à marée haute et basse. Je photographie les paysages comme s’ils étaient des métaphores d’un monde plus profond, « non comme ils sont », dirait Minor White, le grand photographe américain de l’après-guerre, « mais tel que je suis ». Par la photographie, j’expose mon ressenti, l’émotion qui m’étreint au moment où j’appuie sur le déclencheur.

Dans l’autre série Deux ou trois choses que je sais de vous, ma démarche photographique était également très physique. Des heures d’attente, de refus, de discussions, d’hésitations, de renoncements pour aboutir à quinze portraits. Ne jamais lâcher, exiger toujours plus, font partie inhérente de mon processus photographique.

Ensuite, le travail est plus serein, je retravaille les photos avec Adobe Photoshop. Je retrouve la solitude de l’écrivain devant l’ordinateur, c’est une nouvelle phase d’expérimentation qui commence où la forme artistique se peaufine. Et la dernière étape que j’aime beaucoup est le dialogue avec le tireur photo dans un laboratoire, qui n’est pas sans me rappeler les heures passées avec un étalonneur sur mes films.

Comment alliez-vous photographie et écriture ?
L’écriture intervient à différents moments de ma création. Elle est essentielle dans l’élaboration de mes photographies. Elle peut être le déclencheur des images, je commence par écrire un texte court, une nouvelle ou une poésie et mon travail photographique s’en nourrit ou au contraire, le texte se mêle à l’image, s’inscrit en elle. Les deux alors coexistent naturellement. Et puis parfois l’image devance le texte comme si ce dernier était caché en elle et à un moment il surgit et se révèle. Quoi qu’il en soit, l’écriture est en dialogue constant avec l’image, et inversement.

Des expositions en préparation / des éditions ?
Je me consacre à la photographie depuis quelques années, ayant surtout réalisé des films et écrit des scénarii et des romans jusqu’à présent. Mon désir a été de réaliser des séries avant d’envisager de les exposer. Aujourd’hui, je suis prêt à les montrer et je commence à chercher des lieux d’exposition. Côte édition, la série « Il regardait sa femme comme si elle était son amante », va être éditée : un livre composé de 34 photos qui se suivent en un long plan séquence. Le livre se conclue par une fiction qui raconte l’histoire romancée d’un modèle sous les yeux d’un photographe écrivain.

Extrait :
« Jamais ils ne se sont parlés de leurs impressions après les séances,

Jamais ils ne se sont donnés de directives avant,
Ils ont toujours gardé secret les émotions qu’ils ressentaient pendant les prises de vue, un kaléidoscope de sensations sans cesse renouvelées, comme si le fait de les énoncer les dépouillerait de leur singularité, de la rareté de leur échange,
Elle lui demanda un jour pourquoi il lui faisait refaire régulièrement des poses, jusqu’à s’en étourdir.
Il lui répondit en citant Degas : Il faut refaire dix fois, cent fois le même sujet. Rien en art ne doit ressembler à un accident, même le mouvement. »

Sur quoi travaillez – vous en ce moment ?
Depuis quelques mois, j’entreprends un travail sur l’autoportrait. J’utilise mon corps pour le photographier de manière fragmentaire et en restitue des figures picturales. Je l’exorcise pour retrouver un désir de liberté.

@philippe matsas

Après des études supérieures en mathématique, Camille Guichard réalise de nombreux documentaires de création sur la peinture, la sculpture, le théâtre, l’architecture et la danse contemporaine, ainsi que des courts métrages de fiction. Parallèlement à ses activités de réalisateur, il mène celles de scénariste, notamment à la télévision et au cinéma, et d’écrivain. Son premier roman Vision par une fente est édité chez Gallimard, son dernier roman Pique-Nique, au Mercure de France. Nominé aux César du meilleur court métrage, il est lauréat de la Fondation Beaumarchais, de Sources et finaliste du Grand Prix du meilleur Scénariste Sopadin. Il a été également intervenant en écriture scénaristique au CEEA (Conservatoire Européen de l’Écriture Audiovisuelle) et à l’ENS/Ulm.

Parallèlement à son travail d’auteur et de réalisateur, Camille Guichard fait de la photographie. Depuis deux ans, il a participé à plusieurs PhotoMasterClass et a trois projets en cours : « Il regardait sa femme comme si elle était son amante »,  « Ces rivages perdus »et  » Deux ou trois choses que je sais de vous »
Actuellement, il prépare une autre série « Autoportraits » au sein de la Masterclass l’Oeildeep.

Sa filmographie est impressionnante  et comprend entre autres les titres suivants : James Ellroy ; Vu d’Afrique : Marcel Barcelo 3ème prix au Festival Cinémad’art de Barcelone ; Tumulte ; A propos de l’internationale situationniste ; Robot portrait de Jacques Vaché ; Ornamento ; Nature & Nature sélection FIFA ; L’arpenteur Céleste ; Empreintes Nominé aux Césars ; Les ombres du péché Mention spécial danse au FIFA de l’Unesco ; Louise Bourgeois ; Préault et la sculpture romantique ; Spoerri Sélection FIFAP; Denise René ; Daniel BurenSélection FIFA et prix FIFAP de l’Unesco ; François Morellet sélection FIFA et FIFAP; Le saut de l’ange Primé au festival de Montecatini, Bruxelles, Saarbrüken, Sarre-Lor-Lux, Le Mans ; Stella Baruk ; Master Class de théâtre musical russe ; Stella Baruk ; Duane Michals, the man who invented himself Mention Spécial du Jury FIFA Montréal. Festival de Pittsburgh, Philadelphie, Sao Paulo, New York, Florence, Le mystère Ettore Majorana, un physicien absolu Festival Pariscience, Marrakech, and Festival dei Popoli.

Ses romans et textes : PIQUE-NIQUE, roman, Éditions Mercure de France ; LE REPENTIR, roman, Éditions 00H00 ; LES VOISINS (nouvelle ; Éditions du Musée des Beaux-Arts, Chartres) ; GEORGES AUTARD (Texte exposition, Éditions Muntaner) ; LES OMBRES DU PECHE (nouvelle, Tel Quel/Gallimard) ; VISION PAR UNE FENTE, Roman, Éditions L’infini/Gallimard.

Ses scénarii de fiction comprennent entre autres : MERVEILLE de Jennifer Alleyn, COUP D’ECLAT de José Alcala, AMOURS A MORT d’Olivier Barma, MEURTRES A PONT-L’EVESQUE de Thierry Binisti et des épisodes de séries comme ENQUETES RESERVEES, DIANE FEMME FLIC, etc

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