Comment résister à utiliser cette image pour souhaiter aux lecteurs de la Carte blanche de bonnes fêtes et les vœux les plus joyeux pour 2013 ! Vue à la galerie Polka, elle m’a semblé une évidence pour la circonstance. Lauréate SFR Jeunes talents, Mami Kiyoshi était ainsi exposée en compagnie d’images de Marc Riboud, il y a plus mauvaise compagnie …Elle est actuellement exposée à la BnF, Lauréate de la Bourse du talent, catégorie Portrait.
Mami Kiyoshi a répondu aux questions de l’image par l’image :
Vous menez un projet photographique très cohérent depuis plusieurs années, pourquoi avez vous choisi cette approche des portraits ?
J’ai choisi d’établir une relation profonde avec mes modèles. Je m’intéresse à leur histoire telle qu’ils veulent bien me la raconter. Cette histoire prend, dans mon imagination, la forme d’un conte ou d’un mythe et c’est à partir de ces histoires que je j’élabore la mise en scène des portraits. C’est mon style. Je le fais pour exprimer des histoires dans ma tête.
De plus, je préfère travailler avec des personnes ordinaires plus que des mannequins. J’essaie de faire en sorte que les modèles ressemblent aux bouddhas, aux dieux primitifs ou aux héros.
Mon approche a deux aspects; celui du documentaire et celui de l’imaginaire.
Comment travaillez vous avec vos modèles?
Par exemple, pour la série « New Reading Portraits », il faut compter deux jours pour chaque prise de vue. Le premier jour, je vais à leur domicile et j’écoute le modèle raconter sa vie avant de composer le portrait. C’est efficace pour se connaitre l’un l’autre et établir une atmosphère amicale. Le deuxième jour, je prends la photo. Je déplace les meubles et les objets à partir de mon imagination, en me basant sur les histoires que les personnes m’ont racontée.
Normalement, c’est moi qui décide de l’espace et du placement des objets, mais j’écoute les souhaits de chaque personne et je les adapte autant que possible. C’est à dire que ce projet est plutôt une collaboration avec mes modèles. C’est important que les modèles souhaitent participer à mon projet et accueillent ma visite positivement. Je ne choisis pas mes modèles. Ce sont toujours eux qui me contactent pour que je réalise leur portrait et je n’effectue aucun tri.
Mon travail ne tente pas d’exprimer la vérité de chaque personne. Ce que j’exprime à travers la photo n’est qu’une partie de ce personnage, je compose le portrait à partir de ce que le modèle m’a raconté. On ne sait pas si ce que la photo montre est une vérité ou pas. Je ne pense pas que ce soit nécessaire. Je souhaite faire un portrait idéal, mythique.
Cependant, je ne peux pas photographier des choses qui n’existent pas réellement. Je crois que la photographie est un des médium qui a le plus de contraintes dans l’art. Même si notre matériel de base est la réalité visible, nous ne savons pas si nos photos transmettent la vérité ou pas, parce que la photo est toujours manipulée par le regard d’un/une photographe. Il y a toujours cette ambiguïté et c’est une des raisons pour lesquelles je m’intéresse à la photographie. J’aime les choses que je ne peux pas contrôler, qui m’échappent.
Comment voyez vous votre projet évoluer sur un plan artistique ?
Je souhaite continuer le projet « New Reading Portraits » le plus longtemps possible, dans le monde entier. Je voudrais donner à voir une multitude de vies et offrir un travail permettant de découvrir la pluralité des personnes à notre époque. J’ai déjà travaillé au Japon, en Chine, en France et dans quelques pays européen. J’espère continuer dans d’autres pays : l’Amérique du sud et l’Afrique, par exemple, pour qu’avec le temps, ce travail devienne un ensemble de photos représentatives pour découvrir la vie et la diversité des personnes d’aujourd’hui.
En même temps je veux continuer mes projets artistiques toute ma vie. Je vie, je crée, ce serait idéal que ces deux aspects marchent ensemble.
Seriez vous prête à travailler pour des entreprises sous forme d’une commande et quel serait alors votre enjeu?
S’il y a quelqu’un qui s’intéresse à mon style et me propose un projet, je l’étudierai. J’aime collaborer avec les autres, ça m’apporte parfois de nouvelles idées et souvent des surprises. Je suis toujours ouvertes aux nouvelles expériences.
Quelle vision avez vous des marques aujourd’hui et de leur relation avec la photographie?
C’est une vaste question. La photographie est devenue un médium essentiel de communication mais je regrette que la publicité contraigne trop souvent la photographie dans des carcans très standardisé. Cependant, quand un artiste photographe est utilisé à bon escient, cela produit des résultats très efficaces en terme de communication.
Née en 1974 à Saitama au Japon, Mami Kiyoshi a suivi des études d’Art à l’Université de Musashino, elle a commencé son travail en studio. Une Bourse du gouvernement japonais lui permet de travailler depuis 2 ans à Paris. 2012 a été une année faste : Lauréate SFR jeunes/Polka , Prix spécial du Jury de la Bourse du Talent dans la catégorie du portrait.
Actualité : exposition Jeunes photographes de la Bourse du Talent à la Bibliothèque nationale de France Paris 13è du 14 décembre 2012 au 17 février 2013